Le théâtre franco-canadien
Le théâtre franco-canadien
Plusieurs projets de recherche menés par Lucie Hotte ou auxquels elle a participé ont porté en tout ou en partie sur le théâtre francophone en contexte minoritaire. Ces travaux ont permis de mieux comprendre les enjeux et les défis de faire du théâtre en français dans les communautés francophones en situation minoritaire.
- Le projet Construction d’une mémoire française à Ottawa avait comme objectif de mieux connaître la vie en français dans la capitale nationale par une étude de sa population, de ses institutions, de ses réalisations et de ses ambitions. Les compagnies de théâtre franco-ottaviennes ont fait l’objet des recherches menées dans le cadre du volet «_Culture – Institutions_» par Joël Beddows (théâtre) et Lucie Hotte (édition). Les résultats ont été publiés dans Ottawa, lieu de vie français. Visitez également l’exposition virtuelle Vie française dans la capitale.
- Le projet Réseaux littéraires franco-canadiens a permis d’entrer dans une base de données les informations concernant les compagnies de théâtre des communautés francophones en situation minoritaire.
À lire_:
- Lucie Hotte, Joël Beddows et Isabelle Kirouac Massicotte, «_Ottawa, capitale culturelle?_», dans Anne Gilbert, Linda Cardinal, Michel Bock, Lucie Hotte, François Charbonneau (dir.), Ottawa : lieu de vie français, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2017, p. 239-280.
- Lucie Hotte, «_Construire la mémoire d’une communauté : le cas de la francophonie ontarienne_», Port Acadie : revue interdisciplinaire en études acadiennes, no 30-31, automne 2016-printemps 2017 (paru au printemps 2019), p. 15-31.
Les débuts du théâtre franco-ontarien dans la région d’Ottawa
La compagnie de théâtre communautaire L’Atelier d’Ottawa est fondée le 9 novembre 1965 par Muguette Boisvenue, Jacqueline Martin et Jeanne Sabourin « à la suite du succès qu’avait obtenu un cours d’improvisation offert dans la région par Marcel Sabourin » (Beauchamp-Rank, 1976, p. 446). Son mandat est plutôt large : « offrir des cours de formation dans les différentes disciplines de l’art théâtral, réaliser des productions de pièces canadiennes et encourager l’éclosion d’une dramaturgie régionale » (Beauchamp-Rank, 1976, p. 446).
Jusqu’en 1970, la compagnie s’active à former plus de mille personnes en faisant appel à des formateurs chevronnés et professionnels, dont Jacques Zouvi, Jean Herbiet et Gilles Provost. En 1969, ce dernier se verra d’ailleurs octroyer la direction artistique de la compagnie qui était toujours assumée par les trois fondatrices, Alors que la troupe présentait sporadiquement des productions communautaires, presque toutes écrites par Jacqueline Martin, Gilles Provost, fort de son stage au Birmingham Repertory Theatre, « transform[e] l’école en une véritable compagnie offrant une saison théâtrale composée de plusieurs spectacles » (Beddows, 2003, p. 119). Rapidement, il privilégiera les textes des « jeunes auteurs québécois », ne s’inscrivant pas du tout dans la mouvance des jeunes institutions culturelles franco-ontariennes qui naîtront des suites du Rapport Saint-Denis (Beddows, 2001, p. 53).
En fait, comme Ottawa n’est dotée à l’époque d’aucune salle destinée au théâtre francophone (à l’exception du tout récent Centre national des arts), Gilles Provost investira le bateau-théâtre L’Escale, situé du côté de Hull, afin d’y présenter les productions de L’Atelier. Provost cherche véritablement à professionnaliser sa pratique, et la compagnie, et s’adresse à toute la population de la région d’Ottawa-Hull. Il mettra en scène des textes écrits par Jacqueline Martin, Yves Thériault, Jean Morin, Michel Tremblay, Gaby Déziel-Hupé, Marcel Dubé, mais aussi d’autres textes issus du répertoire mondial comme Zoo Story d’Edward Albee et Huit femmes de Robert Thomas. Il quittera ses fonctions à la fin de la saison 1971 pour notamment fonder une nouvelle compagnie de théâtre jeunesse : le Théâtre des Lutins.
L’Atelier n’offre aucun spectacle lors de la saison 1972-1973. La compagnie revient en 1974 sous la direction artistique de Pierre Collin et Louison Danis et se consacre résolument à la production d’un théâtre professionnel. Par contre, à la fin des années 1970, le Conseil des arts de l’Ontario n’est pas très enclin à financer adéquatement une pratique théâtrale qui prend appui sur ce qui se fait au Québec, souhaitant plutôt encourager les initiatives locales qui mettent de l’avant les spécificités de la communauté franco-ontarienne. De plus, Théâtre Action, qui chapeaute toutes les initiatives théâtrales de la province depuis sa fondation en 1972, réaffirme en 1976 que « [l’]animation communautaire [demeure] la priorité pour les compagnies franco-ontariennes, et non la professionnalisation des pratiques » (Beddows, 2001, p. 55). C’est dans ce contexte que la compagnie, qui souhaitait s’affranchir de Théâtre Action et proposer un théâtre professionnel à l’image de ce qui se faisait au Québec (et aussi au CNA, lieu de diffusion très subventionné, mais peu ancré dans la réalité régionale), mettra un terme à ses activités en 1977.
Certaines archives de L’Atelier d’Ottawa se trouvent dans le Fonds Gilles-Provost (P420), conservé au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) et dans le Fonds Gilles-Provost (P92), conservé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Gatineau.
Références
Beauchamp-Rank, Hélène (1976). « Notes sur les troupes de théâtre dans l’Outaouais ». Dans Beauchamp-Rank, Hélène, Bernard Julien et Paul Wyczynski (dir.), Le théâtre canadien-français, Montréal : Fides, p. 443-449.
Beddows, Joël (2001). « Tracer ses frontières ». Dans Beauchamp, Hélène et Joël Beddows (dir.), Les théâtres professionnels du Canada francophone : entre mémoire et rupture, Ottawa : Le Nordir, p. 49-68.
Beddows, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : University of Toronto, 376 p.
Fondé en 1971 par Monique P. Landry et Gilles Provost, le Théâtre des Lutins se tourne dès ses débuts vers la création d’un théâtre jeune public destiné à la tournée en milieu scolaire. Le Théâtre des Lutins « ne montait que des pièces pour enfants écrites et jouées dans un français dit normatif, et conçues pour être présentées dans des gymnases d’école » (Beddows, 2003, p. 185), ce qui fait en sorte que les conseils scolaires privilégient cette compagnie au détriment des autres compagnies franco-ontariennes dont le mandat était plus large et dont les spectacles étaient plus exigeants sur le plan technique.
De 1971 à 1981, Gilles Provost assume la direction artistique de la compagnie. Comme metteur en scène, il privilégie des auteurs québécois établis, mais aussi des auteurs de la région de l’Outaouais, dont Gaby Déziel-Hupé et Hedwige Herbiet. Cette dernière sera d’ailleurs, avec Claire Faubert, Raphaël Albani, Claude Lavoie et Anne-Marie Riel, l’une des principales collaboratrices de la compagnie, agissant comme autrice et metteuse en scène à de multiples occasions.
À partir de 1981, Monique P. Landry, qui agissait comme directrice administrative de la compagnie depuis sa fondation, succède à Gilles Provost à la direction artistique et cumule les deux fonctions.
Dès 1985, la compagnie offre d’ailleurs un camp estival dans lequel les étudiants sont initiés au théâtre, à la technique et à l’interprétation. Les spectacles seront souvent issus du répertoire mondial. Ainsi, en plus du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare ou de La vie est un songe de Calderon, la compagnie adapte des œuvres narratives comme Alice au pays des merveilles, L’Odyssée, Le Capitaine Fracasse ou encore Les Misérables.
La compagnie cessera officiellement ses activités en 2004. Si la compagnie a su créer de façon régulière de nombreux spectacles qui ont été vus par des milliers d’enfants, la relation entre cette compagnie et les autres compagnies professionnelles du milieu franco-ontarien n’ont pas toujours été évidentes. En 1991, les directions artistiques et administratives des principales compagnies de théâtre franco-ontariennes écrivent une lettre à Monique Landry soulignant le manque de solidarité dont fait preuve la compagnie, notamment en vendant les spectacles à plus faible coût que les autres et en ne rémunérant pas les comédiens selon les normes de l’Union des artistes, normes que le milieu théâtral professionnel de l’Ontario a choisi d’adopter (1991, C64-11/1/4). Les compagnies de théâtre professionnelles de l’Ontario se sont regroupées sous l’égide de Théâtre Action, mais aussi sous celle du Front commun des théâtres franco-ontariens,qui « avait établi des normes pour le milieu » (Beddows, 2003, p. 263). Mais, « [r]efusant d’adhérer aux principes énoncés [par le Front commun], le Théâtre des Lutins s’est retiré du [Front commun] et de [Théâtre Action] » (Beddows, 2003, p. 264). Ne s’inscrivant plus directement dans un milieu en pleine effervescence, milieu soucieux d’obtenir une reconnaissance des principaux bailleurs de fonds, notamment en proposant des spectacles dont la qualité artistique est indéniable, le Théâtre des Lutins perd l’une de ses principales sources de financement en 1996 « sous prétexte que son mandat était trop peu “artistique” » (Beddows, 2003, p. 264).
En 2004, la compagnie cesse ses activités après plus de 30 ans d’existence. Plusieurs artistes établis ont collaboré avec la compagnie au fil des années, dont Pierre Collin, Louison Danis, Denis Mercier, Roc Lafortune et Marie Turgeon.
Certaines archives du Théâtre des Lutins se trouvent dans le Fonds Gilles-Provost, conservé au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF).
Références
Beddows, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : University of Toronto, 376 p.
Archives consultées
« Lettre adressée à madame Monique Landry, directrice générale, le 18 juin 1991, signée Bruno Richez (directeur administratif, Théâtre français de Toronto), Sylvie Dufour (directrice artistique, Théâtre du Nouvel-Ontario), Claire Faubert (directrice artistique, Théâtre du Trillium), Monique Miron (directrice administrative, Théâtre du Trillium), Robert Bellefeuille (directeur artistique, Théâtre de la Veille 17), Mireille Francoeur (directrice administrative, Théâtre de la Veille 17), Pier Rodier (directeur artistique, Vox Théâtre) », 1991, Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Fonds Théâtre-Action, CRCCF, C64-11/1/4.
Après avoir quitté L’Atelier, Gilles Provost fondera deux autres compagnies dont la Compagnie Gilles-Provost (1974). Cette compagnie, qui « est devenue le symbole d’un professionnalisme sans égal en Ontario français à l’époque » (Beddows, 2001 p. 55), subira un peu le même sort que L’Atelier. Même si la compagnie propose sur papier un théâtre de création plutôt que de répertoire, Provost ne mettra en scène qu’un texte de création d’une autrice de la région, soit Délivrez-nous du mâle. Amen! de Gaby Déziel-Hupé, préférant monter des pièces issues du répertoire québécois (Beddows, 2003, p. 125). La compagnie « affirm[e] son appartenance aux deux identités francophones présentes dans la région » (Beddows, 2003, p. 125) et s’adresse ainsi autant au public d’Ottawa qu’à celui de l’Outaouais québécois. En présentant ses spectacles sur le bateau-théâtre L’Escale ou encore à l’Auditorium du Cégep de l’Outaouais, salles situées du côté de Hull, la compagnie ne s’identifie pas directement aux changements culturels et identitaires de la communauté franco-ontarienne (ce qui pose problème auprès des organismes subventionnaires de l’Ontario notamment) et « cherch[e] [plutôt] à s’implanter sur le plan régional et à présenter des productions de calibre professionnel dans un lieu fixe » (Beddows, 2003, p. 126). Ce projet de salle fixe ne verra pas le jour alors qu’en 1976, Gilles Provost accepte la direction artistique du tout nouveau Théâtre de l’Île de Hull, poste qu’il occupera jusqu’en 2008. La Compagnie Gilles-Provost cessera ses activités en 1977.
Les archives de La Compagnie Gilles-Provost se trouvent dans le Fonds Gilles-Provost (P420), conservé au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) et dans le Fonds Gilles-Provost (P92), conservé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Gatineau.
Références
Beddows, Joël (2001). « Tracer ses frontières ». Dans Beauchamp, Hélène et Joël Beddows (dir.), Les théâtres professionnels du Canada francophone : entre mémoire et rupture, Ottawa : Le Nordir, p. 49-68.
Beddows, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : University of Toronto, 376 p.
Compagnies de théâtre franco-ontariennes
Le Théâtre d’la Corvée a été fondé en 1975 par Jean-Marc Leclerc, André Legault, Daniel Chartrand et Luc Thériault à Vanier. Cette troupe privilégie la création collective et le théâtre d’intervention qui lui permet de remplir son mandat à vocation politique et sociale. En effet, chacun de ses membres participe à toutes les étapes de la production (Beddows, 2003, p. 128). La troupe se considère comme un laboratoire de recherche pour élaborer des pièces porteuses d’un message de cohésion identitaire. Elle échappe donc aux idées préconçues sur le théâtre et ne répond à aucune définition traditionnelle parce qu’elle présente du théâtre d’engagement, du théâtre expérimental, du jeune théâtre et du théâtre régionaliste (Savard, Beauchamp et Thompson, 1977, p. 104-105).
La Corvée se fait une place au cœur du milieu théâtral franco-ontarien grâce à ses créations innovatrices qui la distinguent des troupes plus anciennes qui privilégient le théâtre de répertoire. Au cours des années 1970, la troupe part en tournée pour présenter deux pièces phares, La Parole et la loi et La Patente. Au cours de cette décennie, c’est la langue vernaculaire franco-ontarienne qui est employée dans les pièces, et ce, afin de faire connaître l’histoire de l’Ontario français et de développer un sentiment d’appartenance à la communauté franco-ontarienne (Beddows, 2001, p. 62 et p. 129). La troupe de théâtre devient une compagnie de théâtre en 1981 et propose une programmation dans une salle du marché By, dans l’édifice de l’Institut canadien-français, à partir de 1982.
Dans les années 1980, la troupe présente des pièces qui marqueront la dramaturgie franco-ontarienne, notamment Strip et Les Tout-croches, pièce pour laquelle le Théâtre d’la Corvée obtiendra en 1986 le prix du Cercle des critiques de la Capitale nationale pour la meilleure production théâtrale.
En 1988, avec l’arrivée d’un nouveau directeur artistique, Michel Marc Bouchard, le Théâtre d’la Corvée devient le Théâtre du Trillium. Le mandat plus ouvert favorise notamment l’échange entre artistes franco-ontariens et créateurs d’ailleurs. Le Théâtre du Trillium s’inscrit dans un courant dramaturgique moderne, voire postmoderne. Il offre aussi des activités liées au développement de textes, comme des ateliers d’écriture ou des lectures publiques. 1988 marque également le déménagement du théâtre de la rue York au marché By vers la Cour des Arts, également au centre-ville d’Ottawa.
En 1989-1990, le Théâtre du Trillium présente la pièce Soirée bénéfice pour ceux qui ne seront pas là en l’an 2000, en collaboration avec le Théâtre français du Centre national des Arts, le Théâtre du Nouvel-Ontario et le Théâtre de la Vieille 17. Cette pièce écrite par Michel Marc Bouchard et mise en scène par Brigitte Haentjens nous projette dans l’avenir, au 31 décembre 1999, alors que « les membres d’une prestigieuse famille de fourreurs, règlent leurs comptes et se déchirent pour le pouvoir sur la tribu familiale et sur l’empire financier » (Bouchard, s. d.).
En 2005, le Théâtre du Trillium célèbre ses 30 ans d’existence. Il compte alors à son actif 89 productions – dont 18 textes de création et 71 textes du répertoire contemporain –, 28 tournées provinciales et nationales, 12 reprises de ses productions en tournée, 4 accueils, 17 lectures publiques et 8 laboratoires. Cette même année, le spectacle Jean et Béatrice de Carole Fréchette remporte le Masque de la production franco-canadienne.
Le Théâtre du Trillium est toujours actif aujourd’hui et occupe une place importante sur la scène théâtrale franco-ontarienne. Il loge depuis 1999 La Nouvelle Scène, aujourd’hui la Nouvelle Scène Gilles Desjardins sur la rue King Edward, au centre-ville d’Ottawa, aux côtés du Théâtre de la Vieille 17, de Vox Théâtre et du Théâtre la Catapulte.
Références
Beaulne, Brigitte, Pierre Tessier, Marc Haentjens, Mariette Théberge et Théâtre Action (1988). Le répertoire du Théâtre franco-ontarien, Ottawa : Le réseau des caisses populaires affiliées à la Fédération des caisses populaires de l’Ontario Inc., 63 p.
Beddows, Joël (2001). « Tracer ses frontières : vers un théâtre franco-ontarien de création à Ottawa ». Dans Beauchamp, Hélène et Joël Beddows (dir.), Les théâtres professionnels du Canada francophone. Entre mémoire et rupture, Ottawa : Le Nordir, p. 49 à 68.
Beddows, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : Université de Toronto, 377 p.
Bouchard, Michel Marc (s. d.). « Soirée bénéfice pour ceux qui ne seront pas là en l’an 2000! », Michel Marc Bouchard, [En ligne]. [https://www.michelmarcbouchard.com/pieces-54.html] (Consulté le 19 juillet 2022).
Caron, Catherine, Robert Bellefeuille, Théâtre d’la Corvée et Théâtre d’la Vieille 17 (2007). La Parole et la loi : une création collective, Sudbury : Éditions Prise de parole, 322 p.
Centre de recherche en civilisation canadienne-française (s. d.). « Théâtre du Trillium », Faculté des arts, uOttawa, [En ligne]. [https://arts.uottawa.ca/crccf/recherche/chantier-ottawa/theatre-corvee] (Consulté le 18 juillet 2022).
Hotte, Lucie, Joël Beddows et Isabelle Kirouac Massicotte (2017). « Ottawa, capitale culturelle franco-ontarienne ». Dans Bock, Michel, Lucie Hotte et François Charbonneau (dir.), Ottawa, lieu de vie français, Ottawa : Les Presses de l’Université d’Ottawa, p. 339-280.
En septembre 1979, peu de temps après le Festival provincial de Théâtre Action tenu à Rockland, Robert Bellefeuille, Roch Castonguay, Jean Marc Dalpé et Dominique Martel (qui, après son décès, est remplacée par Lise L. Roy) fondent le Théâtre d’la Vieille 17 (Hotte, Beddows et Kirouac Massicotte, 2017, p. 254).
D’abord une troupe, le Théâtre d’la Vieille 17 (la Vieille 17) naît dans la foulée de l’effervescence culturelle franco-ontarienne des années 1970. Ses fondateurs s’inspirent d’un modèle développé à Sudbury par les animateurs du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO) fondé en 1971 et repris, dès 1975, à Vanier, par le Théâtre d’la Corvée, soit celui d’un théâtre identitaire et communautaire, de création collective et de tournée.
Selon Dalpé, la Vieille 17 cherche à répondre à un besoin criant, celui d’assurer la présence d’une activité théâtrale dans l’ensemble de l’Est ontarien, en offrant des spectacles de création. Elle souhaite également servir de ressource à tous ceux qui font du théâtre en offrant des cours, des stages ou des ateliers de formation (1979, C142-1/9/9).
À ses débuts, la troupe propose « à la fois des créations collectives et des pièces de commande et d’intervention » (Beddows, 2003, p. 202) portant sur la réalité des Franco-Ontariens et teintées d’affirmations politiques, comme en témoignent Les murs de nos villages (1979) ou encore Protégera nos foyers et nos…, un projet financé par l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) et créé à l’occasion de la crise scolaire de Penetanguishene en 1979. Au fil des saisons, la Vieille 17 cherchera, plus rapidement peut-être que les autres compagnies, à se professionnaliser et à privilégier une certaine recherche artistique, ce qui sera relevé par la presse locale. Cette professionnalisation mènera d’abord à un changement de structure, puis au déménagement de la compagnie de Rockland vers Ottawa à l’automne 1984. Ce déménagement s’explique notamment par le « [constat d’]un manque d’intérêt de la région de l’Est pour son travail, désintérêt exprimé entre autres par l’absence de financement de la ville de Rockland » (Beddows, 2003, p. 205). En effet, l’échec de la fondation d’un « centre de ressources techniques régional » à Rockland (1983-1984, C142-1/5/20) force la compagnie à déménager à Ottawa, là où existent des infrastructures permettant à une compagnie de théâtre de produire des pièces professionnelles de qualité répondant davantage aux exigences des organismes subventionneurs et, par le fait même, aux normes québécoises. La compagnie changera également son nom en 1984, passant du Théâtre d’la Vieille 17 au Théâtre de la Vieille 17, témoignant ainsi de son « rapprochement progressif avec l’institution théâtrale québécoise » (Beddows, 2003, p. 206). À partir de 1985, Robert Bellefeuille assurera seul la direction artistique de la compagnie (1985, C142-1/7/16).
Depuis sa fondation, la Vieille 17 s’est taillé une place de choix dans le paysage de la création théâtrale au Canada. Elle est à l’origine de plusieurs créations qui font maintenant partie du répertoire théâtral franco-ontarien. Avec plus d’une soixantaine de créations originales, tant pour adultes que pour enfants, la Vieille 17 a su se démarquer par l’excellence de ses productions et a rapidement reçu la reconnaissance en gagnant des prix prestigieux, dont le prix Chalmers de la meilleure pièce canadienne pour enfants en 1984 pour Le Nez de Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy, le premier prix important remporté par une compagnie franco-ontarienne.
En 2006, Robert Bellefeuille quitte la direction artistique après avoir occupé ce poste durant 25 ans. Redynamisée par l’arrivée d’Esther Beauchemin, la Vieille 17 produit des spectacles pour enfants et pour adultes, développe de nouveaux textes, continue à coproduire avec des compagnies franco-canadiennes et québécoises, tout en proposant des activités d’animation théâtrale. En effet, à travers divers projets, tels Tassez-vous, on joue!, Lire et délire et Les Haut-Parleurs, la compagnie offre de la formation aux jeunes élèves des écoles élémentaires et secondaires ainsi qu’aux comédiens et aux troupes amateurs de l’Ontario français.
En 2020, Esther Beauchemin quitte la direction artistique de la Vieille 17. C’est Geneviève Pineault qui prend les rênes de la compagnie et qui devient ainsi la troisième directrice artistique de la compagnie. Le Théâtre de la Vieille 17 a contribué à fonder en 1999 La Nouvelle Scène, aujourd’hui La Nouvelle Scène Gilles-Desjardins, où elle joue encore aujourd’hui aux côtés des trois autres compagnies fondatrices, soit le Théâtre du Trillium, Vox Théâtre et le Théâtre la Catapulte.
Références
BEDDOWS, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : Université de Toronto, 377 p.
CENTRE DE RECHERCHE EN CIVILISATION CANADIENNE-FRANÇAISE (s. d.). « Théâtre de la Vieille 17 », Faculté des arts, uOttawa, [En ligne]. [https://arts.uottawa.ca/crccf/theatre-vieille-17] (Consulté le 20 juillet 2022).
HOTTE, Lucie, Joël BEDDOWS et Isabelle KIROUAC MASSICOTTE (2017). « Ottawa, capitale culturelle franco-ontarienne? », dans GILBERT, Anne et al. (dir.), Ottawa, lieu de vie française, Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, p. 239-280.
MÉNARD, David (s. d.). « Le nouveau visage de La Nouvelle Scène », uOttawa, [En ligne]. [https://www.uottawa.ca/tabaret/fr/content/nouveau-visage-nouvelle-scene] (Consulté le 25 juillet 2022).
Archives consultées
« Communiqué de presse, Jean Marc Dalpé au nom de l’équipe de la Vieille 17 », 1979, Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Fonds Théâtre de la Vieille 17, C142-1/9/9.
« Programme Canada au travail, projet d’un centre régional de ressources techniques, principalement de la correspondance, le formulaire de demande, le dossier de présentation et des notes manuscrites », 1983-1984, Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Fonds Théâtre de la Vieille 17, C142-1/5/20.
« Procès-verbal de la réunion du 25 mars 1985 », 1985, Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Fonds Théâtre de la Vieille 17, C142-1/7/16.
En 1994, Claude Guilmain, Serge Olivier, Pierre Péloquin et Claude Naubert fondent la compagnie de théâtre Les Klektiks à Toronto (Savoie, 2003, p. 43‑44). Cette compagnie de théâtre veut offrir la possibilité d’explorer des formes de représentations moins traditionnelles, de s’ouvrir à différents modes d’expression et, surtout, de favoriser la création. Elle propose des projets de création hybrides où se croisent le théâtre, la musique, la danse, la vidéo ainsi que des productions dont l’architecture repose sur la parole, le corps et l’espace et dont les thèmes explorent les liens avec soi‑même dans le rapport à l’autre).
C’est en octobre 1999 que la compagnie de théâtre Les Klektiks devient la compagnie de théâtre La Tangente. En 2003, elle obtient une résidence au Collège Glendon pour une durée de trois ans. Il s’agit d’ailleurs de la première résidence offerte à une compagnie de théâtre. Grâce à cette résidence, La Tangente voit son rôle renforcé au sein de la communauté franco‑torontoise et franco-ontarienne en ayant l’occasion d’inviter des artistes et des compagnies de théâtre francophones, innovateurs presque inconnus (Dorn, 2004, p. 40).
Au fil des ans, plusieurs pièces de théâtre ont été présentées, dont L’Égoïste (1997), publiée par la maison d’édition Prise de parole en 1999 et finaliste au Prix Trillium 2000 de l’Ontario; Les Cascadeurs de l’amour, mise en scène par Louise Naubert et récipiendaire du Masque de la production franco‑ontarienne en 2000; La Passagère, publiée par la maison d’édition Prise de parole et présentée par le Festival du théâtre des région en 2001; Conte à rebours (2002), adaptée des nouvelles de Daniel Poliquin par Louise Naubert Requiem pour un trompettiste (2005), finaliste pour le Masque de la production franco‑canadienne de 2006; Comment on dit ça « t’es mort » en anglais? (2009); AméricanDream.ca – la trilogie (2019)); L’Implorante (2011); Entre deux mondes (2022).
Selon le metteur en scène et chercheur Joël Beddows, le théâtre franco-ontarien est passé d’un « théâtre d’affirmation » (durant les années 1970-1980) à un « théâtre d’exploration » (dans Cucchi, 2016, p.70) . Il est clair que La Tangente a joué un rôle crucial dans la transformation du paysage théâtral franco-ontarien.
Références
Association des théâtre francophones du Canada (2022). Nos membres : Théâtre la Tangente, [En ligne]. [https://atfc.ca/fr/nos-membres/theatre-tangente] (Consulté le 31 août 2022).
Compagnie de création Théâtre la Tangente (2022). Répertoire, [En ligne]. [http://www.theatrelatangente.ca/fr/repertoire.html] (Consulté le 31 août 2022).
Cucchi, Maud (2016), « Théâtres franco-ontariens et outaouais, terrains d’exploration », Jeu, no161, p. 68–71.
Dorn, Noémi (2004), « Le Collège Glendon accueille La Tangente », Liaison, no 124, p. 40.
Hotte, Lucie et Melançon, Johanne (2010). Introduction à la littérature franco‑ontarienne, Sudbury, Prise de parole.
Savoie, Paul (2003), « La Tangente à la croisée », Liaison, no 121, p. 43-44.
Le Théâtre français de Toronto a été fondé au printemps 1967 sous le nom de Théâtre du P’tit Bonheur, après que la section torontoise de la Fédération des femmes canadiennes-françaises eut décidé d’interpréter des saynètes du livre Le petit bonheur de Félix Leclerc pour souligner le centenaire de la Confédération canadienne. Les instigatrices du projet étaient Claudette Roy-Gobeil, présidente de la section torontoise de la Fédération, ainsi que Ghislaine Brassard, Yvette Godin et Madeleine Bastien (Sylvestre, 2016, p. 10).
Au début des années 1970, peu après l’arrivée de John Van Burek à la direction artistique, le Théâtre se professionnalise. En 1971, il obtient ses premières subventions gouvernementales (Sylvestre, 2016, p. 42) et, en 1972, sa charte fédérale (Sylvestre, 2016, p. 10). C’est aussi en 1972 qu’il emménage au 95, avenue Danforth. Il y reste jusqu’en 1978, année où il s’installe à la Cour Adélaïde. Membre de l’Association des théâtres francophones du Canada depuis 1984, le Théâtre change de nom lors de son 20e anniversaire, pour devenir le Théâtre français de Toronto (TfT). Il déménage aussi cette année-là, et présentera ses spectacles au Harbourfront Centre de 1987 à 1990. Depuis 1990, la plupart des représentations sont données au Berkeley Street Theatre – Canadian Stage. Le TfT a par ailleurs inauguré ses bureaux administratifs et son centre de création sur la rue College en 2008.
À la fin des années 1980 et 1990, le Théâtre connaît des difficultés financières (Sylvestre, 2016, p. 47-48), mais il réussit à renouer avec la stabilité au début des années 2000. Depuis 2005, à la suggestion du directeur artistique Guy Mignault, des surtitres en anglais sont ajoutés à certaines représentations, pour mieux desservir sa clientèle diversifiée. Le Théâtre compte en effet beaucoup de francophiles dans son public, et ce, depuis ses débuts. Très prolifique, le TfT a présenté plus de 300 pièces différentes depuis sa fondation, dont plusieurs de Molière et de Michel Tremblay. Pendant longtemps, et particulièrement sous la direction de Van Burek – qui assure la direction de 1971 à 1974 et de 1980 à 1991 – la compagnie s’est distinguée des autres théâtres francophones de la province par sa volonté de présenter du théâtre de répertoire québécois et français plutôt que des créations franco-ontariennes (Beddows, 2003, p. 245). Au cours de sa longue existence, le TfT a eu peu de directeurs artistiques : c’est Eugène Gallant qui joue ce rôle de 1976 à 1980, entre les mandats de John Van Burek; Diana Leblanc succède à Van Burek en 1992; Guy Mignault prendra la relève en 1997, et il sera remplacé par Joël Beddows en 2016. Depuis 2021, Karine Ricard assume la direction du TfT.
Le Théâtre français de Toronto a remporté plusieurs distinctions et s’est très souvent retrouvé en lice pour divers prix du milieu théâtral, comme le Masque de la production franco-canadienne, les prix Dora Mavor Moore et le prix Rideau (Sylvestre, 2016, p. 67). Très actif auprès de la jeunesse, le Théâtre français de Toronto effectue des tournées dans les écoles et présente chaque année, depuis 2013, un spectacle écrit par des adolescents : Les Zinspirés. Le TfT est membre de la Toronto Alliance for the Performing Arts depuis 2013. Le Théâtre se dit aujourd’hui animé par des valeurs d’excellence, d’inclusivité, d’accessibilité, d’engagement, d’innovation et de passion (Théâtre français de Toronto, 2022, en ligne).
Références
Sylvestre, Paul-François (2016). Cinquante ans de « p’tits bonheurs » au Théâtre français de Toronto, Toronto : GREF, 292 p.
Beddows, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : Université de Toronto, 377 p.
Théâtre français de Toronto (2002). « À propos de nous », 2002, sur le site Théâtre français de Toronto [https://theatrefrancais.com/fr/a-propos/missions-et-valeurs/] (26 octobre 2022).
Robitaille, Pierre (1981). « Le Théâtre du P’tit Bonheur », Liaison, no 16 (juin), p. 22-28, [En ligne], [https://www.erudit.org/fr/revues/liaison/1981-n16-liaison1165282/43933ac/] (26 octobre 2022)
Fondée en 1979 à Ottawa, cette compagnie de théâtre amateur s’appelle alors le Théâtre le Cabano. C’est en 1984 que la compagnie propose son premier spectacle professionnel (Beddows, 2003 : 227) après avoir présenté quelques spectacles de façon sporadique un peu partout à Ottawa. Cette compagnie se distinguait des autres compagnies professionnelles de l’époque d’abord « en étant l’unique véritable troupe de théâtre en Ontario, i.e. le seul théâtre ayant une équipe permanente de comédiens » (O’Sullivan, 1984 : 25), soit Lucie Desjardins, Luc Dorion, Sophie Gauvin, Marie-Thé Morin, Louis Robillard et Pier Rodier, puis en proposant d’investir des formes de théâtre moins usitées en Ontario français, dont le théâtre musical, le théâtre pour enfants et pour adolescents et le clown.
Après s’être appelée Voix Théâtre Cabano, un nom qui illustre la volonté de la compagnie de mettre en lumière son travail de la voix, la compagnie adopte son nom actuel, Compagnie Vox Théâtre, en 1988. Depuis, la compagnie, dirigée par Pier Rodier, a produit plusieurs spectacles professionnels qui ont tourné partout en Ontario et au-delà, se concentrant, depuis quelques années déjà, sur le théâtre jeune public.
Le travail de la compagnie a été souvent récompensé. C’est le cas notamment de la pièce Toutou, de Marie-Thé Morin et Pier Rodier (mise en scène de Dillon Orr), qui s’est vu décerner le prix Rideau de la « Production de l’année » (2016-2017), de même qu’un prix Rideau d’interprétation pour Pier Rodier. Le spectacle Oz, de Marie-Thé Morin et Pier Rodier (mise en scène de Pier Rodier et Pierre Simpson), a non seulement connu un énorme succès (la pièce a été présentée plus de 250 fois), mais elle a aussi été en nomination dans la catégorie de la « Production franco-canadienne de l’année » lors de la soirée des Masques organisée par l’Académie québécoise du théâtre (2007).
Si la compagnie a engagé de nombreux artistes de la région d’Ottawa-Gatineau au fil des ans, contribuant ainsi au développement du théâtre jeune public, du théâtre d’ombres, d’objets et de marionnettes, elle aura surtout permis à Pier Rodier et Marie-Thé Morin, inséparable duo d’artistes, de développer leur pratique d’interprète, de dramaturge, de metteur en scène et de scénographe. La compagnie a aussi animé de nombreux ateliers pour les jeunes de la région et tient chaque année des stages destinés aux jeunes de 8 à 14 ans.
Elle est l’une des cinq compagnies résidentes de La Nouvelle Scène Gilles Desjardins, rue King Edward, à Ottawa. En plus de s’occuper de la programmation jeunesse du lieu (avec le Théâtre de la Vieille 17), elle organise aussi le Tout-petit festival, une rencontre artistique pour les tout-petits au mois de mai.
Références
BEDDOWS, Joël (2003). L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle, thèse de doctorat, Toronto : Université de Toronto, 377 p.
O’SULLIVAN, Marc (1984). « La saison des théâtres professionnels en Ontario révèle : un esprit pragmatique conscient des contraintes financières. », Liaison, (32), p. 25.
COMPAGNIE VOX THÉÂTRE (2022), « Historique », « Théâtrographie », « Ateliers », « Stages », [En ligne], https://voxtheatre.ca/ (consulté le 12 décembre 2022).
D’abord appelée Lobe Scène, la compagnie de théâtre ottavienne fondée par Louis Patrick Leroux, Patrick Riel et Carol Beaudry en 1991 devient le Théâtre la Catapulte en 1994. Sous la direction artistique de Louis Patrick Leroux, cette « compagnie [était] vouée au théâtre d’avant-garde dramaturgique » et, même si elle « affirm[ait] son appartenance à l’Ontario français, [elle] refusa[it] ouvertement le théâtre identitaire développé par la génération précédente. » (Beddows, 2003 : 274) Ainsi, la compagnie va s’attacher surtout à produire les textes de son directeur artistique, Louis Patrick Leroux, et à participer activement à l’émergence d’une toute nouvelle génération d’artistes, de concepteurs et d’auteurs dramatiques établis des deux côtés de la rivière des Outaouais, dont Anne-Marie White qui participera comme régisseure, comédienne ou metteure en scène à plusieurs projets de Leroux comme La litière en 1994, Le rêve totalitaire de dieu l’amibe (1995), Rappel (1995), Ressusciter (1996) et Tom Pouce, version fin de siècle (1996).
En 1998, Joël Beddows devient le directeur artistique de la compagnie. S’il poursuit le mandat initial de la compagnie, soit de favoriser la création dramaturgique et l’émergence de nouveaux textes dramatiques franco-ontariens, notamment ceux de Richard J. Léger (Faust : Chroniques de la démesure, 1999), de Marc LeMyre (Le Projet Turandot, 2000, L’Honnête homme : un one-woman show, 2009) et de Michel Ouellette (Le testament du couturier, 2003, Iphigénie en trichromie, 2006), il va proposer une programmation qui s’adresse au grand public certes, mais aussi, et tout particulièrement, aux adolescents. Cette volonté de produire un théâtre original pour adolescents était présente chez Leroux et d’ailleurs, le premier spectacle produit par la compagnie sous la direction artistique de Beddows est La « Band » à tout cassé (1998), un texte de Leroux. Ce spectacle, qui a tourné dans plusieurs écoles secondaires de l’Ontario, de l’Outaouais et de l’Acadie, est le premier d’une série de spectacles pour ados qui seront diffusés partout au Canada. En effet, le Théâtre la Catapulte produira, au tournant des années 2000, de nombreux spectacles pour ados qui connaitront un immense succès. C’est le cas notamment de L’Hypocrite, de Michael Gauthier (plus de 80 représentations entre 2000 et 2001), Safari de banlieue, de Stéphan Cloutier (143 représentations entre 2001 et 2005) et de La Meute, d’Esther Beauchemin (91 représentations entre 2003 et 2004). C’est le cas aussi de Cette fille-là, de Joan McLeod. Texte canadien-anglais percutant traduit par Olivier Choinière, il sera monté une première fois par Joël Beddows en 2004. Ce spectacle, qui sera joué près de 180 fois, remportera de nombreux prix dont le Masque de la meilleure production franco-canadienne (2005), de même que le prix Jessie-Richardson pour la meilleure production jeune public et pour la meilleure interprétation (Stéphanie Kym Tougas).
En 2010, Jean Stéphane Roy succède à Joël Beddows à la direction artistique et poursuit le cycle de création sur 5 ans mis sur pied par la Catapulte et le Théâtre français de Toronto en revisitant quelques classiques québécois et français, productions qui connaîtront un énorme succès. S’inscrivant dans la continuité, Roy poursuit le travail de développement dramaturgique et de création pour ados en multipliant les tournées pancanadiennes. En 2017, Danielle Le Saux-Farmer succède à Roy et modifie le mandat de la compagnie afin de refléter davantage ses propres intérêts de recherche et de création et les enjeux actuels, dont le féminisme, la diversité et l’inclusion. C’est sous sa gouverne que la compagnie adopte son nouveau nom : le Théâtre Catapulte.
Depuis ses débuts, la compagnie connaît un important succès qui dépasse les frontières de la région d’Ottawa-Gatineau, collaborant avec les principales compagnies théâtrales francophones du Canada.
Références
BEDDOWS, Joël (2003), « L’institution théâtrale franco-ontarienne (1971-1991) : entre mission communautaire et ambition professionnelle », thèse de doctorat, Toronto, Université de Toronto, 377 p.
THÉÂTRE CATAPULTE (2023), « Mission et Historique », « Équipe », « Théâtrographie », [En ligne], https://catapulte.ca/ (consulté le 3 juillet 2023).
Compagnies de théâtre de l'Ouest
La Troupe de la Seizième est fondée en 1974 par un groupe de femmes à Vancouver, qui comptent parmi elles Huguette Lacourse, Monique Bergamo et Ruth Pilote, trois comédiennes de renom dans la région. Sa première directrice générale, Catherine Colvey, organise les activités de la troupe durant ses premières années. En 1975, une première production, Les Belles-sœurs de Michel Tremblay, accueille sur scène 15 femmes francophones de la région. Colvey devient « la seizième » femme. La troupe adoptera le nom.
Plusieurs personnes occuperont le poste de directeur général durant les premières années de la Troupe. Maurice Meloche et Jean-André Leblanc prendront la relève de Catherine Colvey. La Troupe bénéficie alors du soutien de différents organismes culturels francophones de la région, dont le Centre culturel francophone de Vancouver et la Fédération des Franco-Colombiens. Elle est aussi récipiendaire de subventions du Secrétariat d’État du Canada.
La Seizième devient une compagnie professionnelle en 1980, année où Denis Chouinard, un dramaturge et comédien québécois, en prend la direction générale. Pendant son mandat, Chouinard « mettra en valeur les échanges avec d’autres artistes invités, venant de la région ou du Québec » (Gaboury-Diallo, 2003, p. 199). La compagnie met en scène différentes pièces, dont Violette en avril, une création collective mise en scène par Chouinard en 1981, Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon, mise en scène de Chouinard à partir d’un texte de Christian Burel en 1982, et Catou est-elle différente? ou L’Enfant spina-bifida, mise en scène à partir d’un manuscrit de Chouinard en 1983.
Réjean Poirier, un comédien acadien, assumera la direction générale à compter de 1985. Durant son mandat, Poirier axe les efforts de la Seizième vers la production de théâtre jeunesse, ainsi qu’un volet adolescent. Cette nouvelle direction suit l’essor des programmes scolaires francophones de la région et bénéficie du soutien du ministère de l’Éducation de la province (Gaboury-Diallo, 2003, p. 199). Des tournées dans les écoles et des ateliers en milieu scolaire seront aussi offerts, afin de promouvoir davantage le théâtre chez les jeunes.
Un comédien de l’Ouest canadien, Roger Gaudet, est directeur général de la compagnie de 1991 à 1993. Sous la direction de Gaudet, la Seizième continue le développement du volet jeunesse et adolescent, mais va aussi contribuer au développement d’un nouvel espace de spectacles, le Studio 16 de la Maison de la francophonie. Michelle Cook devient directrice générale à la suite de Gaudet et occupe le poste jusqu’en 1997. C’est durant cette période que La Troupe de la Seizième devient le Théâtre la Seizième.
Alain Jean prend la relève en 1997. La Seizième développe le Festival Théâtre Jeunesse de Vancouver, dont la première édition a eu lieu en 1998. Jean poursuit la production de théâtre jeunesse, mais encourage aussi le développement de spectacles destinés au grand public. La première production d’une nouvelle saison grand public, Et si Dieu jouait aux dés de Marc Prescott, est présentée en 1998. En 2000, la production de Clon@ge.PA méritera deux prix du Jessie Richardson Theatre Award, dont celle de la « Outstanding Production ».
Craig Holzschuh est directeur de la Seizième entre 2001 et 2016. De plus en plus, la Seizième présente des pièces créées par des auteurs de la région, qui mettent en scène la région. Les productions de la Seizième visent à illustrer le caractère multiculturel de la francophonie de l’Ouest. L’influence asiatique se fait particulièrement sentir. En 2005, Les contes vancouvérois de Stéphan Cloutier soulignent le 30e anniversaire de la Seizième et explorent des histoires du quotidien de la région. En mars 2008, la Seizième collabore avec une compagnie de théâtre anglophone de Vancouver, la Ruby Slippers Theatre, pour créer La vue d’en haut. Cette pièce est écrite en anglais par James Long et traduite en français par Philippe Decros. En partenariat avec le Théâtre la Catapulte, La vue d’en haut est aussi accueillie Centre national des Arts à Ottawa. Des tournées de pièces originales comme Straight Jacket Winter, Crème-Glacée et La vue d’en haut connaissent un grand succès tant chez les Franco-Colombiens qu’à l’échelle nationale.
Esther Duquette, comédienne et dramaturge québécoise, est nommée directrice générale en 2016.
La compagnie a reçu le Prix d’excellence Impératif Français Lyse-Daniels 2018-2019 pour sa contribution à l’épanouissement artistique de la communauté francophone de la région. Elle fournit des ressources à la communauté artistique de la Colombie-Britannique, y compris plusieurs séries d’ateliers et des programmes de formation pour les jeunes artistes francophones.
Références
Gaboury-Diallo, Lise (2003). « Théâtre et dramaturgie en français dans l’Ouest canadien. Bilan et perspectives ». Dans Beauchamp, Hélène et Gilbert David (dir.), Théâtres québécois et canadiens-français au xxe siècle : trajectoires et territoires, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, p. 197-220.
Théâtre la Seizième (s.d.). « À propos de nous », Théâtre la Seizième [En ligne]. [https://seizieme.ca/fr/la-seizieme/mission-et-histoire/] (Consulté le 19 novembre 2022).
La couleur de nos rêves : quatorze compagnies de théâtre franco-canadiennes, [Film], (2011). Réalisé par Jean-François Dubé, Ottawa : Association des théâtres francophones du Canada, DVD.
En 1969, Ian Nelson, comédien et metteur en scène, David Edney, professeur de français à l’Université de la Saskatchewan, et un groupe d’étudiants de cette université vont fonder une troupe théâtrale qu’ils appellent « l’Unithéâtre ». Les représentations de pièces québécoises et françaises avec des mises en scène de Nelson attirent l’attention de la scène théâtrale anglophone : leur production de À toi pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay en 1982 remportera quatre prix au festival Theatre Saskatchewan. Les grands succès de cette troupe étudiante montrent qu’il existe un intérêt pour le théâtre francophone dans la région.
Fondée en 1985 par des membres de l’Unithéâtre, Carmen Gareau, Alphonse Gaudet et Michel Quirion, la Troupe du Jour tente de « [poursuivre] l’œuvre [de l’]Unithéâtre » (Clarke et Mak, 2012, p. 157), mais aussi de « se démarquer [de l’]Unithéâtre pour refléter davantage la réalité fransaskoise » (Clarke et Mak, 2012, p. 159). La troupe fransaskoise se donne comme mandat de contribuer au développement et à la diffusion du théâtre francophone en Saskatchewan, et en particulier d’offrir un soutien à la création théâtrale dans la région. Gaudet occupera le poste de directeur général et artistique pendant les cinq premières années.
En 1990, Denis Rouleau prend la relève de Gaudet et occupe les postes de directeur général et artistique pendant près de 30 ans. Dès le début de son mandat, Rouleau décide de lancer une tournée professionnelle de la pièce Monsieur tout gris de Joël Richard. Il tente de faire de la Troupe du Jour un centre culturel francophone pour la région. Sous la direction de Rouleau, la Troupe du Jour travaille à promouvoir la création et à fournir un soutien aux auteurs de la province. La Troupe collabore étroitement avec des dramaturges fransaskois pour créer des productions originales. Sous la direction de Rouleau, la Troupe du Jour fait appel à Laurent Gareau pour créer La trahison en 1995, à David Baudemont pour créer Deux frères en 2007, et à Madeleine Blais-Dahlem pour créer Les vieux péteux en 2008. La compagnie travaille aussi avec Gilles Poulin-Denis pour créer Rearview, qui remporte trois prix aux Saskatoon and area Theatre Awards en 2009.
La Troupe du Jour collabore aussi avec d’autres compagnies théâtrales francophones de l’Ouest canadien. Dès sa création en 1985, elle entretient une relation étroite avec la troupe étudiante l’Unithéâtre de la Saskatchewan. Au fil des années, La Troupe du Jour collabore aussi avec le Cercle Molière de Saint-Boniface, l’UniThéâtre d’Edmonton, ainsi que le Théâtre la Seizième de Vancouver.
À la suite du départ de Denis Rouleau, la Troupe du Jour connaît une restructuration. En 2019, Bruce McKay devient directeur artistique et général de la compagnie, et Gabriel Gosselin devient directeur administratif et général. À ce jour, plus de 80 pièces ont été produites par la Troupe du Jour. Elle est la seule compagnie théâtrale francophone dans la province, et elle continue d’offrir un soutien à la communauté artistique fransaskoise tout en assurant la préservation et la survie du patrimoine culturel francophone de la région.
Références
Clarke, Marie-Diane et Mak, Nicole (2012). « Théâtre amateur et théâtre professionnel en Saskatchewan : d’Unithéâtre à La Troupe du Jour », Theatre Research in Canada / Recherches théâtrales Au Canada, vol. 33, no2, p. 156-172.
Cottreau, Deborah (2012). « Celebrating the Fransaskois Voice: la nouvelle dramaturgie de La Troupe du Jour », Theatre Research in Canada / Recherches théâtrales Au Canada, vol. 33, no2, p. 250-259.
Gaboury-Diallo, Lise (2003). « Théâtre et dramaturgie en français dans l’Ouest canadien. Bilan et perspectives ». Dans Beauchamp, Hélène et Gilbert David (dir.), Théâtres québécois et canadiens-français au xxe siècle : trajectoires et territoires, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, p. 197-220.
La couleur de nos rêves : quatorze compagnies de théâtre franco-canadiennes, [Film], (2011). Réalisé par Jean-François Dubé, Ottawa : Association des théâtres francophones du Canada, DVD.
La Troupe du Jour (s.d.). « À propos », La Troupe du Jour [En ligne]. [https://www.latroupedujour.ca/a-propos-mandat/] (Consulté le 20 novembre 2022).
L’UniThéâtre
Le théâtre francophone en Alberta connaît un épanouissement qui commence vers la fin du xixe siècle et se poursuit durant le xxe siècle. Plusieurs groupes, dont le Cercle dramaturgique fondé en 1889 et le Cercle canadien d’Edmonton en 1908, ainsi que plusieurs institutions religieuses, vont produire des pièces en français. En 1938, le Cercle Molière d’Edmonton est fondé et offre une programmation variée sous la direction de Laurier Picard. Vers 1967, le Théâtre français d’Edmonton, fondé par Réginald Bigras et France Levasseur-Ouimet, prend la relève du Cercle Molière d’Edmonton. Depuis, le théâtre francophone en Alberta continue à se diversifier, en particulier en ce qui concerne les thématiques représentées, qui touchent de plus en plus la question du statut minoritaire des francophones dans l’Ouest, de même que les publics visés, comme en témoigne le développement du théâtre jeunesse.
L’UniThéâtre est formé en 1992 à partir du Théâtre français d’Edmonton et d’une compagnie de théâtre pour la jeunesse, La Boîte à Popicos, fondée en 1978 par Suzette Lagacé-Aubin. Sa première directrice artistique et générale, Guylaine Normandin, occupe le poste entre 1992 et 1996. Elle développe le mandat de la compagnie théâtrale, soit de promouvoir le développement artistique des communautés francophones de l’Ouest canadien, et est responsable de plusieurs mises en scène de productions théâtrales durant ces années, dont La Locandiera de Carlo Goldoni, mais aussi d’auteurs de la région comme France Levasseur-Ouimet et Manon Beaudoin. Jean-Pierre Gonthier occupe le poste de directeur artistique par intérim pendant quelques mois en 1996, après le départ de Normandin.
Daniel Cournoyer, qui a été l’assistant metteur en scène de Normandin et directeur administratif de l’UniThéâtre depuis ses débuts, devient directeur artistique en 1996 et occupera le poste jusqu’en 2011. Cournoyer signe plusieurs pièces durant son mandat et est aussi responsable des décors de certaines productions, dont Le Bonspiel sinistre de Wullie MacCrimmon en 2001, un texte de William Ormond Mitchell traduit par Laurier Gareau. Parmi les productions importantes qui ont été présentées durant le mandat de Cournoyer, on compte les créations franco-albertaines Cow-boy Poétré de Kenneth Brown et Fort Mac de Marc Prescott, qui connaissent de grands succès lors de tournées nationales en 2006 et en 2007.
Brian Dooley est directeur de la compagnie de 2011 jusqu’en 2018 et contribue à faire reconnaître la compagnie francophone dans le monde théâtral anglophone de l’Alberta, notamment en collaborant avec des compagnies anglophones pour créer des coproductions bilingues : par exemple, en 2016, l’UniThéâtre coproduit La Passion de Narcisse Mondoux de Gratien Gélinas avec le Northern Light Theatre. Durant le mandat de Dooley, la compagnie remporte le Prix Elizabeth Sterling Haynes pour sa Contribution exceptionnelle au théâtre à Edmonton, en 2013.
Dans les dernières années, l’UniThéâtre connaît une succession de différents directeurs artistiques. Joëlle Préfontaine occupe le poste entre 2018 et 2020, et vise à assurer la relève de la création théâtrale franco-albertaine pour les années à venir. Le comédien Vincent Forcier prend la relève durant quelques mois en 2020, alors que Préfontaine est en congé de maternité. À présent, sous la direction de Steve Jodoin et de Joelle Kacou, l’UniThéâtre continue de promouvoir le théâtre francophone et de préserver le patrimoine culturel francophone de la région.
L’UniThéâtre décerne deux prix annuels pour commémorer les contributions à la communauté artistique franco-albertaine. Le premier, le Prix Laurent, porte le prénom du professeur émérite Laurent Godbout et est décerné à un individu ou à un groupe qui a contribué de manière importante au développement du théâtre francophone de la province. Le second, le Prix Louise-Ladouceur, porte le nom d’une professeure de l’Université de l’Alberta et contributrice importante aux productions de l’UniThéâtre. Il est décerné en partenariat avec l’Université de l’Alberta à la meilleure critique théâtrale d’une pièce de l’UniThéâtre rédigée par un étudiant.
Seule compagnie théâtrale francophone en Alberta, l’UniThéâtre tient des saisons de théâtre grand public et jeunesse annuelles et collabore avec le Centre de développement musical, l’Association la Girandole et le Centre d’arts visuels de l’Alberta pour élaborer des programmes de développement dramaturgique, dont l’atelier d’écriture La Plume parlante.
Références
Gaboury-Diallo, Lise (2003). « Théâtre et dramaturgie en français dans l’Ouest canadien. Bilan et perspectives ». Dans Beauchamp, Hélène et Gilbert David (dir.), Théâtres québécois et canadiens-français au xxe siècle : trajectoires et territoires, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, p. 197-220.
La couleur de nos rêves : quatorze compagnies de théâtre franco-canadiennes, [Film], (2011). Réalisé par Jean-François Dubé, Ottawa : Association des théâtres francophones du Canada, DVD.
Radio-Canada (le 8 juin 2018). « 25 ans d’histoire à L’UniThéâtre », Radio-Canada [En ligne]. [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1105731/25-ans-lunitheatre-edmonton-normandin-cournoyer-dooley-prefontaine] (Consulté le 22 novembre 2022).
La Troupe du Jour (s.d.). « À propos », La Troupe du Jour [En ligne]. [https://www.lunitheatre.ca/nous] (Consulté le 22 novembre 2022).
Compagnies de théâtre de l'Acadie
Le Théâtre l’Escaouette a été fondé sous forme de coopérative en 1978. Il s’agissait au départ d’une branche du Théâtre amateur de Moncton (TAM). Issu de la volonté de Marcia Babineau, Philippe Beaulieu, Gracia Couturier, Bernard LeBlanc et Roger LeBlanc, finissants du Département d’art dramatique de l’Université de Moncton, de rester en Acadie pour vivre de leur art, le Théâtre l’Escaouette présente, dans ses débuts, des pièces pour enfants en tournée dans les écoles des Maritimes, avec un important volet consacré à l’animation (Lonergan 2012, p. 15-17).
Au cours des années 1980, la coopérative connaît des défis administratifs et beaucoup de mouvement dans ses structures organisationnelles. En 1984, Eugène Gallant est nommé directeur artistique, à la suite de Roger LeBlanc qui occupait ce poste de façon informelle depuis 1981. Gallant cède sa place à Katherine Kilfoil en 1987, qui sera ensuite remplacée par Maurice Arsenault en 1989. Au cours des années 1980, l’Escaouette change de statut : « le collectif de départ cède lentement la place à une compagnie, toujours coopérative dans sa structure, mais utilisant une approche fondée sur les besoins du texte et sur l’orientation donnée par le metteur en scène » (Lonergan 2001, p. 35). Une structure de direction en triumvirat est tentée au début des années 1990, mais c’est finalement Marcia Babineau qui héritera du rôle de directrice artistique en 1995. Elle occupe toujours ces fonctions aujourd’hui.
Si les tournées scolaires ont constitué un pan important des activités du Théâtre dans ses débuts, les productions grand public ont gagné en importance au fil des ans. À quelques reprises, dans les années 1980, l’Escaouette a tenté d’établir un théâtre d’été à Shédiac, et quelques pièces de cabaret-théâtre y ont d’ailleurs été présentées. En 2004, la compagnie s’est dotée d’un « lieu de création et de diffusion pluridisciplinaire » qui lui est propre, à Moncton (Théâtre de l’Escaouette 2019, en ligne).
La mission de l’Escaouette est de : « représenter, d’une nouvelle façon, les réalités acadiennes par la création et la diffusion d’œuvres originales. La traduction d’œuvres étrangères nous interpelle à l’occasion » (Théâtre de l’Escaouette 2019, en ligne). De fait, le Théâtre a présenté une cinquantaine d’œuvres créées par des Acadiens sur près d’une soixantaine de productions depuis sa création. Herménégilde Chiasson est l’un des auteurs incontournables de la compagnie. Il a su aborder, sous différents angles et avec beaucoup de justesse, les enjeux du passé, du présent et de l’avenir de l’Acadie. Il signe une vingtaine de pièces de la théâtrographie de l’Escaouette, tant pour la jeunesse que pour le grand public. Il a aussi agi à titre de scénographe et de créateur de costumes pour la compagnie. Sa pièce Laurie ou La vie de galerie, pour n’en nommer qu’une, aura connu un énorme retentissement et aura été présentée, localement ou en tournée, pendant plusieurs années après sa production initiale. Plus récemment, la trilogie de Philippe Soldevila, coproduite avec le Théâtre Sortie de secours et composée des pièces Les trois exils de Christian E., Le long voyage de Pierre-Guy B. et L’incroyable légèreté de Luc L. a aussi connu un franc succès, comme en témoignent plusieurs prix et nominations reçus par des membres de ces productions.
Références
Théâtre l’Escaouette (2019). « Historique », Théâtre l’Escaouette. [En ligne], [https://escaouette.com/historique/] (6 décembre 2022).
Lonergan, David (2015). Théâtre l’Escaouette, 1977-2012, La petite histoire d’une grande compagnie de théâtre, Prise de parole : Sudbury, 401 p.
Lonergan, David (2001). « L’émergence du théâtre professionnel en Acadie : le Théâtre populaire d’Acadie et le théâtre l’Escaouette », dans H. Beauchamp & J. Beddows (dir.), Les théâtres professionnels du Canada francophone, Ottawa : Éditions du Nordir, p. 27‑47.
En 1974, à Caraquet, Réjean Poirier fonde les Productions de l’Étoile, première compagnie de théâtre professionnelle en Acadie, avec Laval Goupil et Maurice Arseneault. Ses premières productions sont Tête d’eau, une pièce écrite et mise en scène par Laval Goupil, et Cérémonie, une œuvre collective mise en scène par Réjean Poirier. L’année suivante, la compagnie présente la pièce Louis Mailloux de Calixte Duguay et Jules Boudreau, mise en scène par Réjean Poirier. Cette production connaît un énorme succès et elle sera présentée pendant plusieurs années. C’est en 1976 que la compagnie prend le nom de Théâtre populaire d’Acadie (TPA), dans le sillage d’une « période d’effervescence culturelle, sociale et politique [où] les Acadiens affirment haut et fort leur identité et réclament le respect de leurs droits » (Lonergan 2001 : 29). C’est aussi cette année-là que la Boîte-Théâtre, un lieu de représentation sis dans un hangar, est inaugurée à Caraquet. Le TPA maintient toutefois ses tournées aux quatre coins du Nouveau-Brunswick.
La compagnie s’axera tantôt sur la création, tantôt sur la diffusion de pièces d’autres compagnies, au gré des visions de ses différentes directions artistiques. En 1984, Réjean Poirier quitte ses fonctions et c’est Dominic LaVallée, un Québécois spécialiste du théâtre jeunesse, qui prend la relève. Son passage sera de courte durée, mais il contribuera à mener la compagnie vers l’institutionnalisation. En 1986, Andreï Zaharia prend le flambeau et cherche à présenter des œuvres de divers horizons. Il occupera le poste jusqu’en 1992, une année difficile marquée par des difficultés financières et un incendie qui détruit les locaux du TPA. René Cormier est directeur artistique pour la période de 1993 à 2005. Il élimine le déficit et fait reprendre les tournées. Son règne marque un retour vers les origines acadiennes du TPA. Pour les vingt ans du TPA, une superproduction combinant cinéma et théâtre, Une journée particulière, est présentée. Les années 1990 sont aussi marquées par une collaboration plus étroite entre le TPA et le Théâtre l’Escaouette de Moncton, alors que quelques pièces d’Herménégilde Chiasson sont coproduites par les deux compagnies. Maurice Arsenault remplace René Cormier en 2006, avec le souhait de mettre encore davantage l’accent sur les coproductions (Nichols 2006 : 45). Arsenault restera en poste jusqu’en 2018 et Allain Roy sera nommé pour lui succéder.
Selon Lonergan (2001 : 42), le TPA propose délibérément un théâtre accessible plutôt qu’une réinvention de cet art. En 2011, le fondateur Réjean Poirier a fait une sortie pour déplorer que le TPA et l’Escaouette ne présentaient plus assez de théâtre acadien et se concentraient trop sur les productions québécoises. Si des comédiens et auteurs comme les jumeaux Bernard et Bertrand Dugas ont effectivement cédé le pas à d’autres, la relève existe encore en Acadie, comme en témoignent les pièces écrites par Emma Haché que présente le TPA depuis les années 2000, ou encore les coproductions avec une jeune compagnie théâtrale néo-brunswickoise, Satellite Théâtre.
Le TPA a présenté ou coprésenté, depuis 1974, plus de 130 productions ou coproductions, à Caraquet et partout dans la province, dont une vingtaine pour la jeunesse. Il a été mis en nomination et a remporté de nombreuses distinctions au fil des ans. En 2023, le Théâtre populaire d’Acadie « se donne comme mission artistique d’être un centre majeur de création, de production, de diffusion et d’accueil d’œuvres théâtrales de grande qualité favorisant une pluralité d’approches artistiques » (Théâtre populaire d’Acadie, 2023 : en ligne).
Références
Lonergan, David (2001). « L’émergence du théâtre professionnel en Acadie : le Théâtre populaire d’Acadie et le théâtre l’Escaouette », dans H. Beauchamp & J. Beddows (dir.), Les théâtres professionnels du Canada francophone, Ottawa : Éditions du Nordir, p. 27‑47.
Nichols, Glen (2006). « Contemporary Acadian Theatre in New Brunswick », Canadian theatre review, Vol.128, p. 41-46.
Théâtre populaire d’Acadie (2023). « La compagnie », Théâtre populaire d’Acadie. [En ligne], [https://tpacadie.ca/compagnie/] (9 janvier 2023).
Radio-Canada (2011). « Remue-ménage dans le milieu théâtral acadien », Radio-Canada. [En ligne], [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/536158/theatre-acadie-quebec] (9 janvier 2023).
Fondé en 1997 à Moncton, Moncton-Sable est un collectif d’artistes qui « cherch[ait] des nouvelles façons d’aborder le théâtre en prenant des libertés que les théâtres institutionnels d’Acadie ne pouvaient s’offrir. » (tiré du programme d’Alors, tu m’aimes?, 2005). Les membres fondateurs sont les comédiens Philip André Collette, Amélie Gosselin et Lynne Surette, la metteure en scène et éclairagiste Louise Lemieux, l’autrice France Daigle et le musicien Jean Surette.
La majorité des spectacles ont été écrits par l’autrice France Daigle. Les quatre premiers spectacles, Moncton Sable (1997), Craie (1999), Foin (2000) et Bric-à-brac (2001), permettent au collectif de s’engager dans un véritable projet de recherche, privilégiant un théâtre de matière, « matière que chacun aborde du point de vue de sa discipline » (tiré du programme de Foin, 2000). En effet, « s’appu[yant] sur le formalisme et la gestuelle », ces spectacles « interrogent la matière dans sa relation avec l’être humain. » (Lonergan, 2018, 194). Si le collectif poursuit leur collaboration avec France Daigle au cours des années suivantes En pelletant de la neige, 2004, Sans jamais parler du vent, 2004, Histoire de la maison qui brûle, 2008), les artistes exploreront aussi l’univers de Paul Bossé (Empreintes, 2002; Linoléum, 2005; Pellicule, 2009; Trahisons, 2010, avec Isabelle Cauchy) et de Monique Snow (Alors, tu m’aimes?, 2005). La compagnie n’aura jamais de domicile fixe, présentant ses spectacles au Studio-Théâtre La Grange de l’Université de Moncton, au Centre culturel Aberdeen, au Théâtre l’Escaouette ou encore, à l’Hôtel de ville de Moncton. Elle cessera ses activités en 2011.
Si peu d’articles savants se sont penchés sur le travail du collectif Moncton-Sable, peut-être en raison de la nature atypique de la compagnie, de son mode de fonctionnement et de création, et de son côté anti-institutionnel, Glen Nichols indique que le collectif « process foregrounds improvisation and blurs boundaries: between text and performance; between material and story; between actor, director, musician and artist; between drama and poetry » (2006 : 43). En plaçant le théâtre et l’esthétique au cœur de leurs recherches, ces artistes ne s’inscrivent pas dans une dynamique identitaire, cherchant plutôt à repousser les limites de la création. Pour Philip André Collette, l’un des membres fondateurs, le collectif offre plutôt « a space of total freedom of artistic expression, a place to question concepts and ideas, a venue to invite and explore different creative approaches, and an opportunity to push the limits of theatre » (Collette, 2006 : 64) Néanmoins, cette compagnie sera fortement ancrée dans son milieu, permettant à de nombreux artistes acadiens, et en particulier, aux finissants du Département d’art dramatique de l’Université de Moncton, d’y travailler et d’y développer leur pratique, tant comme concepteurs, régisseurs, auteurs que comme comédiens.
Références
BOEHRINGER, Monika (2008). « Histoire d’une maison qui brûle », Liaison, vol. 139, p. 42.
COLLETTE, Philip André (2010). « Sandpaper : The Story of Moncton-Sable », Canadian Theatre Review, vol 143, p. 60-64.
LONERGAN, David (2018). Regard sur la littérature acadienne (1972-2012), Sudbury, Prise de parole, coll. « Agora ».
NICHOLS, Glen (2006). « Contemporary Acadian Theatre in New Brunswick », Canadian Theatre Review, vol. 128, p. 41-46.
Archives consultées
Programme du spectacle Foin (2000), Fonds Moncton Sable, Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, Université de Moncton, 1497.
Programme du spectacle Alors, tu m’aimes? (2005), Fonds Moncton Sable, Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, Université de Moncton, 1497.
Fondée en 2009 à Montréal, puis déménagée à Moncton en 2016, la compagnie Satellite Théâtre s’est taillé une place unique dans le paysage théâtral acadien et franco-canadien. En effet, ses fondateurs, Marc-André Charron et Mathieu Chouinard, inspirés notamment par les principes de l’École internationale de théâtre Jacques Lecoq, proposent un théâtre de création fondé sur le jeu physique et l’art clownesque, et collaborent avec des artistes-créateurs, des compagnies et des organismes au Canada, mais aussi en Europe, en Asie et en Afrique (Cormier et Nolette, 2019).
Les premiers spectacles de la compagnie (Mouving, 2009-2012; Bouffe, 2010-2013, Les Trois Mousquetaires Plomberie, 2015; Tréteau(x), 2015; et Comme un seul Grum, 2017) ont tous été coproduits par le Théâtre populaire d’Acadie (TPA) et présentés à la biennale Zones théâtrales. En effet, même si la compagnie était jusqu’alors basée à Montréal, tous les spectacles ont été créés en Acadie où ils ont beaucoup tourné, bénéficiant du réseau de diffusion du TPA., mais aussi celui de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC). Cependant, dès 2015, Satellite Théâtre remet en question ce mode de fonctionnement, non pas nécessairement pour des raisons idéologiques, mais d’abord et avant tout pour des raisons pratiques. En effet, le TPA « porte le poids financier principal des projets et [Satellite Théâtre porte] le poids de la création. Or, si cela a des avantages évidents importants pour Satellite Théâtre, cela empêche aussi la jeune compagnie d’avoir l’occasion de se constituer un fonds de roulement. » (Cormier et Nolette, 2019 : 253-254) Puis, la compagnie souhaite « s’éloigne[r] de ce modèle de production par “mentorat” auprès d’une compagnie établie, pour favoriser le développement de réseaux basés sur l’affinité artistique et personnelle des créateurs. » (Cormier et Nolette, 2019 : 254). Cela permettra à Charron, mais plus particulièrement à Chouinard, de développer leurs propres projets qui s’inscrivent hors des cadres traditionnels, notamment des projets internationaux, mais aussi d’établir de nouvelles collaborations avec des organismes locaux, favorisant une approche multidisciplinaire qui cadre moins avec le mandat du TPA.
En 2018, Marc-André Charron assume seul la direction de la compagnie, alors que Chouinard a joint d’abord les rangs du Cirque du Soleil avant de devenir professeur régulier au Département d’art dramatique de l’Université de Moncton. Perdant temporairement son principal co-créateur, et constatant « l’absence de collaborateurs formés en théâtre physique » (Cormier et Nolette, 2019 : 260), Charron s’engage dans un processus de formation auprès de jeunes finissants du programme d’art dramatique de l’Université de Moncton, en plus d’encourager l’émergence de nouvelles voix dramaturgiques locales, dont celle de Céleste Godin (Overlap, 2019; Bouée, 2022). Il ancre véritablement la compagnie dans son milieu, soit à Moncton, alors qu’il va à la rencontre des populations francophones et anglophones, mais aussi autochtones et marginalisées. S’il fait de Satellite Théâtre une compagnie véritablement « locale », Charron ne cesse pas pour autant les collaborations nationales et internationales, comme avec Les limites du bruit possible (2019), une coproduction réunissant des compagnies et des artistes du Canada et du Royaume-Uni.
Références
CORMIER, Pénélope et Nicole NOLETTE (2019). « Les orbites multiples de Satellite Théâtre : théâtre local et internationalisation du théâtre », Revue de l’Université de Moncton, vol. 50, nos 1-2, p. 241-266.
SATELLITE THÉÂTRE (2023). [En ligne], https://www.satellitetheatre.ca/fr/accueil/ (consulté le 4 juillet 2023)