L'édition franco-canadienne
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L'édition franco-canadienne
Plusieurs projets de recherche menés par Lucie Hotte ou auxquels elle a participé ont porté en tout ou en partie sur l’édition francophone en contexte minoritaire. Ces travaux ont permis de mieux comprendre les enjeux et les défis de publier en français dans les communautés francophones en situation minoritaire.
- Le projet Construction d’une mémoire française à Ottawa avait comme objectif de mieux connaître la vie en français dans la capitale nationale par une étude de sa population, de ses institutions, de ses réalisations et de ses ambitions. Les maisons d’édition franco-ottaviennes ont fait l’objet des recherches menées dans le cadre du volet «_Culture – Institutions_» par Joël Beddows (théâtre) et Lucie Hotte (édition). Les résultats ont été publiés dans Ottawa, lieu de vie français. Visitez également l’exposition virtuelle Vie française dans la capitale.
- Le projet Réseaux littéraires franco-canadiens a permis d’entrer dans une base de données les informations concernant les maisons d’édition des communautés francophones en situation minoritaire.
- Le projet Sur les traces de l’éditeur : partenariat pour la préservation, l’analyse et la valorisation des archives d’éditeurs de la francophonie canadienne et européenne, 1945-2015 est un projet qui s’intéresse aux archives éditoriales. Consultez le site Web du projet et visitez l’exposition virtuelle.
À lire_:
- Lucie Hotte, Joël Beddows et Isabelle Kirouac Massicotte, «_Ottawa, capitale culturelle?_», dans Anne Gilbert, Linda Cardinal, Michel Bock, Lucie Hotte, François Charbonneau (dir.), Ottawa : lieu de vie français, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2017, p. 239-280.
- Lucie Hotte, «_Construire la mémoire d’une communauté : le cas de la francophonie ontarienne_», Port Acadie : revue interdisciplinaire en études acadiennes, no 30-31, automne 2016-printemps 2017 (paru au printemps 2019), p. 15-31.
Maisons d'édition franco-ontariennes
Les Éditions Prise de Parole ont été fondées à Sudbury en 1973. Il s’agit de la première maison d’édition spécialisée dans la publication d’œuvres franco-ontariennes. Particulièrement active sur la scène culturelle, la maison d’édition organise, au fil des ans, diverses activités dont les soirées «_La Cuisine de la poésie_» (CRCCF). Aujourd’hui, Prise de Parole a un mandat élargi qui touche l’ensemble du Canada français_: «_Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de parole appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contemporaine. Ce mandat reflète la volonté de la maison d’appuyer, à partir de sa situation en région, à la fois le travail de création littéraire en milieu minoritaire et celui de réflexion en sciences humaines et sociales portant sur ce milieu, et ce à l’échelle canadienne_». La maison publie principalement des pièces de théâtre, des romans et des essais.
La maison naît dans le contexte d’effervescence culturelle propre aux années 1970 à Sudbury où un groupe de jeunes Franco-Ontariens mettent sur pied divers organismes tels que la Coopérative des artistes du Nouvel Ontario (CANO), le Théâtre du Nouvel Ontario (TNO), le centre culturel La Slague, la Galerie du Nouvel-Ontario et bien sûr les Éditions Prise de parole. Le projet de maison d’édition se concrétise lorsque ce groupe de jeunes, notamment ceux qui participent au Club littéraire de l’Université Laurentienne se rendent, en compagnie de leur professeur Robert Dickson et d’un collègue, à Montréal pour rencontrer Gaston Miron, poète et cofondateur des Éditions de l’Hexagone. Le modèle de l’Hexagone leur servira à réaliser leur rêve. Ils choisissent de nommer cette nouvelle maison d’édition Prise de parole car «_ce qui n’est pas exprimé n’existe pas_» et parce qu’ils souhaitent «_donner la possibilité aux créateurs franco-ontariens de prendre la parole_». La première publication de Prise de Parole est un ouvrage collectif de poésie intitulé Lignes-Signes, qui comprend des textes de Gaston Tremblay, Denis Saint-Jules, Jean Lalonde et Placide Gaboury. Le lancement du recueil a lieu lors du congrès général provincial de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO), le 10 mai 1973.
Au cours de ses premières années d’existence, la maison est relativement inactive en raison d’un manque de ressources. Mais en 1978, le Comité d’administration décide de réorganiser Prise de Parole et de rendre la maison d’édition autosuffisante. Gaston Tremblay sera l’éditeur jusqu’en 1988. Michel Dallaire se joindra à lui à titre de directeur littéraire de 1984 à 1986, puis denise truax à titre de co-éditrice en 1988-1989. denise truax est aujourd’hui la directrice générale, appuyée par des conseillers littéraires_: Miriam Cusson pour la poésie, Johanne Melançon pour roman, récit, nouvelles et Michel Ouellette en théâtre.
Prise de Parole est le porte-flambeau de la révolution culturelle franco-ontarienne et le tremplin pour le milieu littéraire francophone en province. En effet, dans les années suivant sa fondation, la littérature franco-ontarienne connaît un essor sans précédent. Le nombre de publications augmente, la diffusion et la distribution des ouvrages croissent et les auteurs reçoivent une plus grande visibilité.
Les Éditions L’Interligne voient le jour en 1981, à Ottawa, afin de pallier l’absence de maison d’éditions d’expression française dans la capitale. Elles publient depuis «_une quinzaine de titres par année_». À ses débuts, la maison publiait principalement des ouvrages historiques ou relatifs au patrimoine franco-ontarien. Depuis 1997, elle s’oriente davantage vers la fiction.
Les Éditions L’Interligne publient des auteurs canadiens-français tout en accordant la priorité aux auteurs franco-ontariens ainsi qu’à ceux de la région de l’Outaouais. Le mandat de la maison est d’être «_un phare de la scène littéraire canadienne_» et de «_contribuer activement au développement de la francophonie en milieu minoritaire, qui ne cesse de se renouveler, de croître et de s’épanouir._»
Les Éditions L’Interligne ont d’abord été créées pour assurer la publication de la revue Liaison bulletin d’information pour l’organisme Théâtre Action, créé en 1978. En 1981, Liaison diversifie son contenu qu’elle étend à la chanson, la poésie et la littérature, ainsi qu’aux arts visuels. Les Éditions L’Interligne naissent donc à ce moment-là pour «_donner une structure officielle à la revue Liaison_» (CRCCF). denise truax assume alors la direction et ce jusqu’en 1982. À la fin de son mandat, elle sera remplacée par Fernan Carrière qui sera directeur des Éditions de L’Interligne et de Liaison de 1983 à 1987. Le prochain directeur, Paul-François Sylvestre sera en poste dix ans, soit de 1987 à 1997.
Dès sa création le mandat de la maison est de «_publier des ouvrages franco-ontariens_» (CRCCF), de «_faire connaître l’actualité culturelle ainsi que la créativité artistique qui caractérisent l’Ontario français, […] [et de] mettre en valeur le patrimoine culturel et historique des Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes_» (CRCCF). Les Éditions L’Interligne organisent également des ateliers d’écriture dans la communauté d’Ottawa, dont des ateliers de formation en journalisme.
L’année 1983 marque la première publication livresque de L’Interligne avec «_l’anti-photoroman_» Lafortune et Lachance. Par la suite, on y publie un guide touristique de l’Ontario français, La Carte du parfait petit touriste en Ontario français, en 1984.
Sous la direction de Stefan Psenak, qui assume la direction en 1997, L’Interligne modifie son mandat de publication et délaisse sa partialité pour les ouvrages historiques et identitaires touchant au patrimoine franco-ontarien tels les biographies, les mémoires, les romans historiques et les historiographies. Plusieurs ouvrages de fiction paraissent donc en 1997 et signalent clairement la visée artistique et esthétique plus large de la maison. Arash Mohtashami-Maali (2003) et Suzanne Richard (2009) poursuivent ce travail.
Dans les décennies qui suivent la création de l’Interligne, de nouvelles maisons d’édition voient le jour en Ontario français_: Vermillon (1982), les Éditions du Gref (1987), le Nordir (1988), les Éditions David (1993), les Éditions du Chardon bleu (1994) et les Éditions Cantinales (1995).
Les Éditions du Vermillon ont été fondées en 1982, à Ottawa, par l’auteur et traducteur Jacques Flamand et Monique Bertoli qui occupent, aujourd’hui encore, les postes de directeur littéraire et de directrice générale.
Cette maison d’édition publie des livres illustrés pour enfants, des romans pour la jeunesse, des bandes dessinées, des romans et des récits pour adultes, de la poésie, des essais et des guides pédagogiques, en bref une grande variété de genres partagés dans dix-sept collections. En outre, leur catalogue compte plus de 400 titres hors collection. De 1993 à 1999, Vermillon publie aussi 28 numéros de la revue de poésie Envol. La maison publie environ une douzaine de titres par année (CRCCF).
En plus de leurs publications, les Éditions du Vermillon ont un mandat avec une portée éducative et communautaire visant «_l’avancement de l’éducation dans le domaine de la littérature canadienne, notamment franco-ontarienne, par la publication […] de manuscrits d’auteurs prioritairement canadiens, notamment franco-ontariens_». Le mandat de la maison l’incite également à «_faire la promotion des œuvres à l’échelle locale, régionale, nationale et internationale; [à] assurer les services connexes_: conseil et orientation pédagogiques, littéraires et techniques […]; [à] collaborer, dans une perspective d’animation et de développement communautaires, multidisciplinaires et multiculturels, avec les auteurs et avec les créateurs des autres disciplines artistiques, avec les organismes et établissements culturels, et avec le public, à l’organisation d’activités littéraires, artistiques, culturelles._» (CRCCF) L’organisation de conférences publiques animées par des auteurs se veut le reflet de son engagement communautaire.
Le Vermillon publie des auteurs originaires «_des deux rives de l’Outaouais_», dont Jean-François Somain, Jean-Louis Grosmaire, Françoise Lepage, Jean-Louis Trudel, Cécile Cloutier, Pierre-Raphaël Pelletier, Stéphane-Albert Boulais, Andrée Lacelle, Jacques Michaud, Eddy Garnier, Gabrielle Poulin, Hédi Bouraoui et Hélène Brodeur.
Au fil des ans, dix-neuf ouvrages du Vermillon ont remportés divers prix littéraires (CRCCF), dont le Prix Trillium (1995, 2000 et 2001) et le Prix littéraire Le Droit (2001). En 2004, Ce pays qui est le mien de Didier Leclerc a été finaliste au Prix du Gouverneur général. En 2002, Jacques Flamand a reçu le Prix du Consulat général de France à Toronto pour sa «_contribution au rayonnement de la littérature francophone en Ontario_» (CRCCF).
Débutant leurs activités éditoriales en 1987, les Éditions du GREF connaissent un parcours hors du commun. D’origine française, Alain Baudot arrive à Toronto en 1966 pour devenir professeur de littérature au Collège Glendon de l’Université de York. En 1984, il fonde le Groupe de recherche en études francophones (GREF). À l’origine, ce groupe se concentre sur des activités savantes, mais trois ans après sa fondation, il ajoute l’édition de manuscrits à son arc.
Le slogan du GREF, «_Des idées et des livres qui font le tour du monde… en français_», traduit bien la posture de l’organisme et son originalité dans le paysage éditorial de l’Ontario français. Jusqu’en 1993, le GREF publie essentiellement des ouvrages savants dont le sujet rejoint les deux axes de recherche du groupe soit les littératures francophones, et la langue française. Comme le groupe de recherche invite régulièrement des chercheurs internationaux à Toronto, la maison d’édition publie plusieurs auteurs européens et antillais. Les Éditions du GREF convoitent activement le marché international et parviennent au cours des années à s’insérer dans un réseau de diffusion universitaire européen.
À partir de 1993, la maison d’édition développe une autre filiale, bien différente de ses activités antérieures_: la création littéraire. Si des écrivains internationaux sont publiés au sein de collections comme «_Quatre-routes_» et «_Le beau mentir_», une part importante de cette nouvelle activité éditoriale est consacrée à la publication d’écrivains locaux. En effet, le GREF ouvre la collection «_Écrits torontois_», dont l’objectif avoué est d’établir un pont entre les écrivains de la Ville-Reine et la francophonie – en cherchant, entre autres, à faire profiter les écrivains de Toronto des réseaux de diffusion internationaux de la maison d’édition. Désormais, la création littéraire occupe une place significative chez cet éditeur dont la vocation première était pourtant, à ses débuts, la publication d’ouvrages savants.
Robert Yergeau fonde les Éditions du Nordir en 1988. La maison d’édition suivra
à bien des égards le destin de son fondateur. Le Nordir est d’abord établi à Hearst, Yergeau travaillant alors au Collègue universitaire. Elle se déplace peu de temps après, lorsque l’éditeur décroche un poste de professeur à l’Université d’Ottawa. La maison d’édition cesse officiellement ses activités en 2012, après la mort de Yergeau, survenue l’année précédente.
Les Éditions du Nordir sont particulièrement reconnues dans deux domaines de publication_: la poésie et les textes de réflexion. Ces spécialités font écho à celles de Yergeau, lui-même étant poète et professeur d’université. Ainsi, le premier ouvrage publié au Nordir est le recueil de poèmes Que personne ne bouge! de Jacques Poirier. Ce dernier collabore avec Yergeau au sein du Nordir jusqu’en 2004 et tient pour ainsi dire le fort à Hearst tandis que son collègue est à Ottawa. La maison d’édition laisse une place importante à la relève littéraire et diversifie progressivement sa production pour intégrer d’autres genres que la poésie.
D’ailleurs, quoique le premier livre à paraître au Nordir appartienne au genre poétique, c’est à l’origine en raison d’un texte de réflexion que la maison est créée. En effet, un collègue de Yergeau, Roger Bernard, ne trouve pas preneur en Ontario pour son manuscrit De Québécois à Ontarois. Il faut dire que les ouvrages scientifiques et de réflexion sont à l’époque peu convoités par les maisons d’édition franco-ontariennes, qui se concentrent davantage sur les textes littéraires. La publication d’essais devient d’ailleurs une spécialité des Éditions du Nordir.
En effet, Le Nordir fait paraître des essais désormais classiques dans les études littéraires québécoises et franco-canadiennes, et participe ainsi à l’émergence d’un discours critique au Canada français. Yergeau édite par exemple Les littératures de l’exiguïté de François Paré (1993). La maison publie aussi La querelle du régionalisme au Québec (1904-1931) d’Annette Hayward (2007). Ces deux ouvrages reçoivent chacun leur tour le prix du Gouverneur général, la plus importante récompense littéraire au pays. La liste des succès éditoriaux et critiques du Nordir ne se limite pas aux essais, néanmoins_: la pièce de théâtre French Town de Michel Ouellette reçoit également le prix du Gouverneur général en 1994. Cette récolte de trois prix du Gouverneur général en un peu moins de vingt par une si petite maison témoigne de la place déterminante qu’ont occupé les Éditions du Nordir dans l’histoire littéraire franco-canadienne.
Les archives des Éditions du Nordir se trouvent au Centre de recherche en civilisation canadienne-française. Il couvre l’ensemble des activités de sa fondation de la maison à sa fermeture. On y trouve maints documents en lien avec les livres publiés, les prix reçus, la participation de la maison aux salons du livre, la publicité, la réception critique. Certains documents concernent les revues Atmosphères et Cahiers Éthier-Blais que le Nordir a publié pendant une brève période. Le fonds comprend aussi des documents iconographiques et 56 photographies. Il couvre 1,27 mètre linéaire.
Le Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC) est un organisme offrant aux maisons d’édition de langue française œuvrant à l’extérieur du Québec l’occasion d’unir leurs ressources et leurs efforts. Ses activités recouvrent la mise en marché et la promotion des livres, la représentation des éditeurs au pays et à l’étranger ainsi que la formation des employés.
L’histoire du REFC est indissociable de celle de l’édition franco-canadienne dans son ensemble. Encore dans les années 1960, c’est généralement vers les maisons d’édition du Québec que se tournent les écrivains des autres provinces canadiennes afin de publier leurs manuscrits. Le monde franco-canadien de l’édition connaît cependant un essor considérable durant la décennie 1970. Des maisons d’édition fleurissent alors en Ontario, dans les Maritimes et dans l’Ouest canadien. Désormais, les écrivains de ces régions ont des options locales de publication, et la culture franco-canadienne assure son autonomie par rapport aux institutions québécoises.
Le milieu éditorial demeure fragile néanmoins. Les faibles moyens financiers de ces institutions ne reflètent pas les défis qu’elles doivent relever. Les consommateurs potentiels sont dispersés à travers le pays et parfois dans des régions excentrées. Par ailleurs, ce lectorat local demeure restreint. Il est impératif pour les maisons d’édition de se faire connaître ailleurs, et en particulier au Québec, où se trouve le plus imposant marché francophone du continent.
C’est dans cet esprit que plusieurs éditeurs franco-canadiens se réunissent en 1989 pour fonder le REFC. L’organisme connaît plusieurs changements d’appellation au cours de son histoire. D’abord connu en tant que Regroupement des éditeurs acadiens et canadiens-français, on l’appelle Regroupement des éditeurs canadiens de langue française à partir de 1993. Si l’organisme était, à l’origine, placé sous la direction de la Fédération culturelle canadienne-française, il est incorporé en 1998 sous le nom de Regroupement des éditeurs canadiens-français. C’est en 2017 que le REFC adopte sa dénomination actuelle, qui présente un visage uni et moderne en faisant dorénavant référence aux éditeurs franco-canadiens.
«_Lire d’un océan à l’autre_», «_Un pays s’écrie / Un pays s’écrit_», «_Il n’y a pas qu’au Québec qu’il se fait de bons livres en français_». Les slogans des importantes campagnes de promotion lancées par le REFC à partir de 1996 sont variés et cherchent, parfois de manière frondeuse, parfois de façon plus consensuelle, à attirer l’attention des lecteurs de toutes les régions du pays. La création du magazine Livres, disques, etc. en 1999, qui deviendra en 2010 le magazine À vos livres, participe des activités de promotion et de commercialisation de l’organisme. En plus d’assurer la visibilité des maisons d’édition franco-canadiennes à l’occasion de salons du livre, le REFC chapeaute aujourd’hui le Prix Champlain et gère plusieurs initiatives, dont la plateforme de livres numériques FrancoBiblio et des projets d’exportation d’ouvrages franco-canadiens sur le marché international.
Les archives du REFC ont été léguées au Centre de recherches en civilisation canadienne-française (fonds, C164). Il témoigne de l’ensemble des activités du Regroupement des éditeurs canadiens-français (puis franco-canadiens) depuis sa fondation en 1989. Le fonds comprend essentiellement des documents administratifs ayant trait à ses assemblées annuelles, son bureau de direction et sa planification stratégique. On y trouve également des documents relatifs à l’organisation de diverses activités de promotion, des dossiers d’études de marché ainsi que du matériel promotionnel et des photographies.
Les Éditions David sont fondées à Ottawa en 1993. Yvon Malette nomme son entreprise ainsi en l’honneur de son fils, mais aussi en raison des connotations culturelles associées à ce prénom. La célèbre histoire de David contre Goliath est en effet symbolique pour cette petite maison d’édition franco-ontarienne tentant de tailler sa place dans l’imposant marché culturel nord-américain.
À l’origine, le modèle d’affaires de cette maison d’édition est celui d’une entreprise privée à but lucratif. Malette, son fondateur, est professeur en plus d’être entrepreneur. Il conçoit un projet de grammaire avec une composante multimédia intitulée Grand-mère racontait. Particulièrement innovateur pour l’époque, le projet est retenu par le gouvernement du Québec à l’occasion d’un concours visant à encourager l’étude de la grammaire dans les écoles de la province. Cette grammaire fait office de première source de financement pour la maison d’édition, assurant à la fois sa fondation, sa survie et sa rentabilité durant plusieurs années.
Pendant longtemps, les Éditions David se distinguent par leur modèle d’affaires, cherchant une certaine forme d’autonomie par rapport aux subventions gouvernementales en misant partiellement sur des contributions des autres entreprises privées. «_Une entreprise normale devrait pouvoir s’autofinancer_», déclare Malette en 2003. «_Mais pour une maison d’édition, surtout en Ontario français, cela ne sera jamais possible. C’est ce qui fait que nous ne sommes pas maîtres de notre destin; nous dépendons beaucoup des décisions des bailleurs de fonds._» (Brunet, 2003, p. 27) Le modèle de l’entreprise change en 2008, quand les Éditions David deviennent un organisme à but non lucratif afin d’avoir accès à de nouvelles sources de financement.
Les Éditions David donnent dès leurs débuts une place de choix à la recherche littéraire franco-canadienne et québécoise. Le premier manuscrit de la maison d’édition, portant sur Gabrielle Roy, est d’ailleurs issu de la thèse de doctorat de Malette. Les Éditions David diversifient considérablement leur production au fil des années et en viennent à présenter un ensemble de collections unifiées sous le vocable «_voix_». Aux ouvrages savants (Voix savantes) s’ajoutent ainsi ceux dédiés à l’enseignement (Voix didactiques), puis ceux appartenant au genre poétique (Voix intérieures) et au genre narratif (Voix narratives), en plus des livres d’artistes (Voix artistiques) et des éditions critiques de textes anciens ou peu connus (Voix retrouvées). Sous la gouverne de leur nouveau directeur, Marc Haentjens, les Éditions David donnent un plus grand espace aux œuvres littéraires de l’Ontario et de l’Outaouais, avec une collection pour adolescents (14/18) et une autre dédiée aux jeunes auteurs contemporains (Indociles).
Les Éditions David viennent tout juste de donner leurs archives, quoique incomplètes puisque les documents des premières années ont été détruits, au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa.
Maisons d'édition francophones de l'Ouest
Fondées le 16 novembre 1984, le jour du 99e anniversaire de l’exécution de Louis Riel, les Éditions Louis Riel sont la première et seule maison d’édition de langue française en Saskatchewan. Cette maison d’édition tire son origine du désir de son fondateur, René Rottiers, chroniqueur et recherchiste à Radio-Canada et co-fondateur de la Société historique de la Saskatchewan, de publier un ouvrage portant sur le procès de Louis Riel.
L’objectif premier de la maison d’édition est de diffuser des textes en français d’auteurs de l’Ouest et du Nord canadiens. Le premier ouvrage qu’elle publie est le roman Mon homestead, mes amours de l’auteure fransaskoise Odette Carignan, paru en 1985. Par la suite sont publiés une variété de livres, dont des ouvrages éducatifs, des recueils de chansons, un récit, ainsi qu’une bande dessinée. À cette époque, les Éditions Louis Riel ont une entente avec une maison d’édition à Saint-Brieuc en France pour assurer la diffusion de textes fransaskois à l’étranger et elles diffusent en échange les textes de cette maison en Amérique du Nord.
La maison d’édition passe ses premières années en entreprise individuelle et devient en 1988 une coopérative à but non lucratif. En 1996, à la suite d’une restructuration, les Éditions Louis Riel deviennent les Éditions de la nouvelle plume, nom qu’elles portent encore aujourd’hui. Elles demeurent la seule maison d’édition en Saskatchewan, avec son siège social à Regina, et l’une des plus petites au Canada. Elle conserve sa mission de publier des œuvres de langue française d’auteurs de l’Ouest et du Nord canadiens, ou des œuvres portant sur la réalité des francophones de l’Ouest et du Nord canadiens.
Des ouvrages publiés chez les Éditions de la nouvelle plume ont été récompensés par des prix, dont le Prix du livre français en Saskatchewan pour Junk City de David Baudemont en 2021 et un prix SATA (Saskatoon and Area Theatre Awards) pour Will & Ernest de Martine Noël-Maw en 2020.
En 1974, les Éditions du Blé, première maison d’édition francophone de l’Ouest canadien, naissent à Saint-Boniface, au Manitoba. Auparavant, seul le journal des étudiants du Collège Saint-Boniface, Frontières, publiait les écrivains en herbe de la région.
La maison d’édition se donne comme mission de préserver le patrimoine culturel de la région en publiant les auteurs de l’ouest francophone, en particulier ceux du Manitoba. Elle contribue aussi à la vie culturelle de la communauté francophone de la province en collaborant avec divers groupes, en particulier la compagnie de théâtre du Cercle Molière et la Société historique de Saint-Boniface avec la publication des Cahiers d’histoire de la Société historique de Saint-Boniface. Les Éditions du Blé collaborent aussi avec d’autres éditeurs et institutions canadiennes.
Le 15 décembre 1974, les Éditions du Blé publient leurs trois premiers titres : Salamandre de Paul Savoie, Les éléphants de Tante Louise de Roger Auger et Salut les amis! Visitons le Manitoba avec Nico, Niski et… de Claude Dorge et Réal Bérard. Aujourd’hui, les Éditions du Blé publient annuellement en moyenne sept textes écrits par des auteurs de l’Ouest canadien ou inspirés par cette région dans une variété de genres, dont des romans, de la poésie, du théâtre et des essais biographiques et historiques.
Deux collections principales sont à souligner : lancée en 2004, la collection « Blé en poche » propose des classiques de la littérature franco-ouestienne, et lancée en 2019, la collection « Nouvelle Rouge » (qui succède à la collection « Rouge » lancée en 1984 qui publiait des textes d’avant-garde) regroupe les œuvres de jeunes talents du Manitoba, de l’Ouest et du Nord canadiens.
Malgré les difficultés de diffusion et le public restreint, les titres publiés aux Éditions du Blé remportent plusieurs prix au fil des années, dont le Prix littéraire Rue-Deschambault pour La Vigne amère de Simone Chaput en 1989, le Prix Lansdowne en poésie pour Poème Pierre Prière de J. R. Léveillé, et le Prix Champlain pour Sous le ciel de la Prairie de Jacqueline Blay en 2011.
Les Éditions du Blé sont aujourd’hui une importante composante de la vie culturelle franco-manitobaine. La maison d’édition est membre résidente du Centre culturel franco-manitobain, partenaire du Festival international des écrivains de Winnipeg, et coordonne, parmi d’autres activités littéraires, la Semaine nationale du livre.
Les Éditions des Plaines forment la deuxième maison d’édition de l’Ouest canadien, fondée au printemps 1979 par Annette Saint-Pierre et Georges Damphousse. Elle découle d’une scission des Éditions du Blé, une autre maison d’édition franco-manitobaine avec laquelle les Éditions des Plaines collaborent encore aujourd’hui.
Elles ont comme mandat de publier des œuvres d’auteurs franco-ouestiens ou des textes qui mettent en scène l’Ouest canadien. Les premières parutions chez les Éditions des Plaines sont couronnées de succès : le premier titre publié en 1979 est un roman jeunesse de Maria Chaput intitulé Pour l’enfant que j’ai fait, suivi de Poésies religieuses et politique de Louis Riel en 1979 et Le petit dinosaure d’Alberta de Nadine Mackenzie en 1980.
Dans les années qui suivent, elles font paraître plusieurs textes importants au milieu culturel de l’ouest francophone, dont les livres de la collection « Dominique et ses amis » de Stella Lessard et Lucie Lévesque, soit des textes pédagogiques destinés à la jeunesse. Le catalogue des Éditions des Plaines compte aujourd’hui plus de 400 titres, dont un grand nombre de classiques de la littérature franco-ouestienne, rassemblés dans la collection « Les Écrits de l’Ouest » lancée en 2004.
La maison d’édition est honorée de plusieurs distinctions littéraires, dont le Prix Champlain en 1985 pour le roman Sauvage-Sauvageon de Marguerite Primeau et le Prix Riel en 1984 pour l’ouvrage Louis, fils des Prairies de Noëlie Palaud-Pelletier. D’autres prix obtenus comprennent le Prix littéraire des caisses populaires du Manitoba pour Tant que le fleuve coule de Marie Jack en 1999, le Prix Roger-Motut pour Les détours du destin de Jean Bâcle en 2004 et le Prix du livre français de la Saskatchewan pour le roman jeunesse Les beaux jours de David Baudemont en 2003.
Maisons d'édition acadiennes
Les Éditions La Grande Marée ont été fondées par Jacques et Suzanne Ouellet à Tracadie, au Nouveau-Brunswick, en 1993. Maison d’édition généraliste, elle a publié plus de 185 ouvrages appartenant à divers genres littéraires, dont le roman, la poésie, le théâtre, le témoignage, la nouvelle, le conte et la bande dessinée. Elle propose aussi une collection de littérature jeunesse.
Certains ouvrages ont été primés par des prix littéraires importants, dont le prix France-Acadie qui fut remis à Jacques Ouellet pour son roman La revanche du pékan (2000), à Edmond L. Landry pour son roman La Charlotte des battures (2002), à Odette Castonguay pour la biographie de Calixte Duguay Aussi longtemps que je vivrai (2007), à Phil Comeau, Warren Perrin et Mary Broussard Perrin pour leur ouvrage encyclopédique L’Acadie d’hier à aujourd’hui (2015) et à André-Carl Vachon pour son essai historique Les Acadiens déportés qui acceptèrent l’offre de Murray (2018). Diane Carmel Léger a reçu quant à elle le prix Antonine-Maillet-Acadie Vie pour son roman jeunesse Les Acmaq tome 1 – Le secret de la vieille Madouesse en 2019.
En 1980, l’Association des écrivains acadiens fonde les Éditions Perce-Neige à Moncton. Leur objectif premier est clair : donner la parole aux voix émergentes acadiennes et leur donner la chance de publier un premier ouvrage. S’intéressant d’abord à la poésie, la maison d’édition est composée de neuf collections qui, au fil des ans, ont publié des recueils de poésie certes, mais aussi des romans, des nouvelles, des récits de voyage, du théâtre et des essais universitaires.
Les Éditions Perce-Neige s’intéressent aussi aux nouvelles formes de poésie, notamment la poésie-spectacle ou l’oralité sur scène et encourage le développement de jeunes poètes et auteurs acadiens de tout genre. Non seulement la maison d’édition publie de nouvelles voix, mais aussi des ténors de la littérature acadienne actuelle, dont notamment Serge Patrice Thibodeau (qui est aussi directeur général de la maison d’édition), Georgette LeBlanc et France Daigle, Gabriel Robichaud et Jonathan Roy. Ce dernier a remporté le prix Antonine-Maillet-Acadie Vie en 2020 pour son recueil de poésie Savèches en fragmentation (il l’a reçu aussi en 2013). Plusieurs auteurs ont d’ailleurs reçu ce prix pour un ouvrage publié aux Éditions Perce-Neige : Camilien Roy (2000), Rose Després (2001), Hélène Harbec (2002), Charles Pelletier (2003), Jean Babineau (2004), Serge Patrice Thibodeau (2005), Brigitte Harrison (2006), Georgette LeBlanc (2007), Germaine Comeau (2009) et Sébastien Bérubé (2018). Serge Patrice Thibodeau a également reçu le Prix du gouverneur général pour son recueil de poésie Seul on est en 2007.
Les Éditions Perce-Neige cherchent à contribuer au rayonnement de la culture acadienne partout en Amérique du Nord, mais aussi à encourager le développement d’une littérature francophone dans les provinces de l’Atlantique.
Les Éditions d’Acadie sont fondées en 1972 par Melvin Gallant, Laurent Lavoie et Gérard LeBlanc, professeurs au Département d’études françaises de l’Université de Moncton. Il s’agit de la première maison d’édition acadienne et certainement la plus importante pendant de nombreuses années. Sa mission était de « promouvoir la création littéraire en Acadie, d’y accroître la production dans ce domaine et de répondre au besoin du milieu en matière de publication » (Brun, 2009). La maison d’édition a fait paraître plus de 400 titres de 200 auteurs différents et s’est particulièrement intéressée à la création et à la publication de matériel pédagogique destiné aux écoles acadiennes, en plus de publier des ouvrages de fiction et de référence, de la poésie, du théâtre et de la littérature jeunesse.
Malheureusement, les Éditions d’Acadie ont fermé leurs portes en 2000. Mais pendant plus de 25 ans, elles ont été instrumentales au développement de la littérature en Acadie. C’est là que furent publiés les premiers recueils des poètes Raymond Guy LeBlanc, Herménégilde Chiasson, Guy Arsenault, Léonard Forest et Ronald Després, contribuant ainsi à l’avènement d’une nouvelle poésie dans les années 1970, forte des combats identitaires et des changements politiques en Acadie et dans le reste du Canada francophone (Kitts, 2019). C’est aussi aux Éditions d’Acadie que France Daigle fait paraître ses premières œuvres. Elle a d’ailleurs remporté le prix Antonine-Maillet-Acadie Vie et le prix France-Acadie pour son roman Pas pire paru en 1998.
Fondées en 2001 par Denis Sonier et Faye Breau, les Éditions de la Francophonie, d’abord établies à Lévis, au Québec, ont été rachetées par l’Acadie Nouvelle en 2014. Malgré sa fondation au Québec, cette maison d’édition a principalement publié des ouvrages d’auteurs acadiens et sa mission demeure de favoriser la publication et la diffusion d’œuvres acadiennes, mais aussi issues de la Francophonie canadienne.
Fondées par Marguerite Maillet à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 1996, Les Éditions Bouton d’or Acadie se spécialisent en littérature jeunesse, travaillant activement au développement de cette discipline en Acadie. Depuis 2012, la maison d’édition est dirigée par Louise Imbeault (propriétaire-éditrice) et par Marie Cadieux (directrice littéraire et générale).
Les quelque 260 titres parus sont divisés dans cinq collections ou étagères : « Étagère poussette » (0 à 4 ans), « Étagère trottinette » (4 ans et plus), « Étagère Planche à roulettes » (8 ans et plus), « Étagère Vélo de course » (11 ans et plus) et « Étagère Tout terrain » (pour tous). La maison d’édition a aussi créé de nouvelles collections spéciales, dont la collection « Wabanaki », qui publie, en collaboration avec les diverses communautés des Premières Nations de l’Est de l’Amérique du Nord, des contes autochtones en français, en anglais et en l’une des langues de la confédération Wabanaki.
Les Éditions Bouton d’or Acadie ont vu certains de ses ouvrages récompensés par des prix. C’est notamment le cas des romans jeunesse La butte à Pétard (2005-2006) et L’Acadie en baratte (2018-2019) de Diane Carmel Léger qui ont été récompensés d’un prix littéraire Hackmatack. Ce prix est le fruit d’un programme littéraire destiné aux jeunes lecteurs du Canada Atlantique qui votent pour le meilleur ouvrage jeunesse au Canada.
Archives éditoriales
Lucie Hotte, le Laboratoire CLFC et le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) sont partenaires du projet Archives éditoriales. Ce projet de recherche international promeut la conservation, l’analyse et la valorisation des archives d’éditeurs de la francophonie canadienne et européenne (1945-2015). Dirigé par Anthony Glinoer, le projet Archives éditoriales rassemble des chercheurs et des partenaires canadiens (Université de Sherbrooke et Université d’Ottawa) et européens (Université de Liège et Université de Lausanne). Le projet permet de rassembler les ressources concernant les éditeurs et les archives éditoriales de la francophonie du nord, mais aussi de réfléchir en commun aux fonctions de l’éditeur et aux discours qu’il produit.
Le Laboratoire CLFC a participé_:
- à l’exposition numérique «_Au cœur du marché du livre_: les archives d’éditeurs au Canada_», d’abord présentée sous la forme d’une exposition physique au CRCCF entre le 28 mai et le 20 septembre 2019;
- à la liste des fonds d’archives éditoriales franco-canadiens;
- à la base de données d’entrevues avec des éditeurs franco-canadiens;
- aux vitrines numériques présentant les éditeurs franco-canadiens; et
- à de nombreux billets de blogue portant sur le monde de l’édition franco-canadien.
Activités de mobilisation de la recherche et publications
Photographe : Mélanie Provencher